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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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homme-là… et c’est une bête sauvage auprès de qui le cougouar est un gentil petit chat.
    — Pourquoi as-tu accepté, alors ? Puisque vous avez le droit de discuter les ordres de votre chef, il fallait refuser.
    Tim Thocker parut enfler d’un seul coup et devint si rouge que Gilles s’attendit à lui voir souffler le feu par les narines.
    — Parce que je suis un damné imbécile. Et aussi parce que l’idée de semer la brouille dans les Six Nations qui font du si bon travail pour les Anglais me ferait plutôt plaisir. Seulement, c’est mon esprit seul qui est content. Mon corps, lui, voudrait bien rester entier et tout au service de Miss Martha Carpenter le jour où elle me permettra enfin de la conduire devant le pasteur.
    Gilles se mit à rire.
    — Comme tu ne peux plus reculer, le mieux est encore d’y aller voir le plus tôt possible. Dans un cas comme celui-là rien n’est pire que l’indécision. En avant !
    Piquant des deux, le jeune homme lança son cheval au galop sur le chemin, assez facile, qui longeait le fleuve. On devait le franchir au bac de Stony Point puis s’enfoncer dans les Catskill en direction du nord-ouest afin de gagner le nouveau campement du chef Sénéca, sur les bords de la rivière Susquehanna. Igrak devait leur en indiquer l’emplacement exact.
    — Depuis qu’il a pris le sentier de la guerre, Sagoyewatha a dû quitter ses terres du lac Cayuga, dévastées par les Insurgents pour trouver d’autres champs où faire pousser le maïs, leur avait-il dit.
    La distance qu’avait parcourue le jeune chasseur de scalps à la recherche de la gloire (près de cent lieues) n’était d’ailleurs pas l’un des moindres sujets d’étonnement pour Gilles. De la part d’un enfant de cet âge, cela représentait une manière d’exploit mais Tim s’en était montré infiniment moins surpris.
    — Les épreuves d’initiation sont rudes chez les Iroquois, se contenta-t-il d’expliquer. La distance ne signifie rien pour eux, ni le temps dès l’instant qu’il s’agit d’acquérir de la gloire. Fils de chef, frère de chef, Igrak espère devenir un jour l’un de ces guerriers dont les générations se retransmettent les grandes actions.
    — Il n’y aurait rien d’étonnant à ce qu’il y parvienne…
    L’enfant, en effet, était fier, noble et courageux. À vivre avec lui les deux garçons avaient appris à l’apprécier. Son comportement, le silence qu’il gardait la plupart du temps étaient bien au-dessus de son âge et, souvent, au cours de leur voyage, ils avaient pu le voir s’écarter d’eux, non pour fuir mais pour s’isoler près d’un marais ou au creux d’une grotte et il pouvait rester là, accroupi sans bouger durant des heures, comme s’il était aux écoutes de l’immense nature environnante. Parfois il ramassait à terre une pierre, ou bien la plume tombée de l’aile d’un oiseau, parfois une plante et rangeait soigneusement le tout dans le petit sac de peau qu’il portait autour du cou.
    — Il compose sa propre « médecine », disait alors Tim qui l’observait à la dérobée, autrement dit il recueille les éléments qu’il croit capables de lui porter chance.
    — Mais comment les choisit-il ?
    — Il ne les choisit pas. Les objets doivent avoir un lien avec un rêve qu’il a fait ou avec une prémonition quelconque. D’ordinaire, les guerriers font cela plus tard mais l’oncle d’Igrak, Hiakin, ou Face d’Ours, est le sorcier des Sénécas… un grand sorcier. L’enfant souhaite peut-être lui succéder… Si c’est cela, il doit être précieux à la tribu et nous avons peut-être une chance de sauver nos scalps.
    Cette idée parut le rasséréner et ce fut d’un œil plus calme qu’il considéra la route restant à parcourir.
    Quarante-huit heures après avoir quitté Peekskill, les trois voyageurs atteignirent le sommet de la dernière pente montagneuse au-delà de laquelle coulait la Susquehanna.
    — Toi qui as tellement hâte de savoir à quelle sauce on va être mangés, tu n’attendras plus longtemps pour être fixé, déclara Tim en désignant le ruban capricieux de la rivière. Si le gosse a dit la vérité, le camp de son frère ne doit pas être à plus d’une demi-heure de marche.
    Mais Gilles ne répondit pas. Son regard suivait, depuis quelques instants, les évolutions d’un oiseau, un rapace visiblement qui venait d’apparaître. C’était une bête superbe, un peu moins grande que

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