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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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souvenait d’avoir aperçu au camp deux ou trois femmes accommodées de la sorte, avait tenté de la consoler et de lui rendre confiance en affirmant que son but était de la mettre sous la protection de Washington mais ce furent des paroles dépensées en pure perte : Sitapanoki ne voulait pas être calmée.
    C’est alors que Gunilla sortit de son silence pour prendre la situation en main.
    — La fille de l’Algonquin piaille comme une dinde égorgée et ne donne pas une haute idée de son sang, fit-elle avec mépris. Si tu préfères devenir la concubine de Cornplanter, tu n’auras aucune peine à le rejoindre puisque c’est le destin qui t’attendait si nous n’étions pas intervenus. Va vers Schoharie. Sur les murs fumants et sur les cadavres des fermiers tu trouveras l’homme capable de protéger ta figure.
    Et comme la jeune femme, saisie par la brutalité du ton, levait sur elle un regard plein de doute, l’ancienne esclave ajouta tranquillement :
    — … Crois-tu donc que ce soit pour te permettre de fuir avec l’homme qu’il voulait tuer que Hiakin s’est donné la peine de mêler à ta nourriture l’herbe qui donne un sommeil profond ? Il t’avait livrée à l’Iroquois et ceux-ci n’ont fait que t’arracher de ses mains… mais tu es parfaitement libre d’y retourner !
    — J’oserais même dire que ça nous arrangerait bougrement, renchérit Tim, car alors ton époux aurait une bonne raison de demander des comptes au Planteur de Maïs et de rompre leur belle alliance. Et, en outre, ma petite dame, je me demande ce que va dire le général Washington en vous voyant débarquer. Ça m’étonnerait beaucoup que ça lui fasse plaisir car ce n’était pas exactement ça qu’il nous avait demandé. Enfin, vous nous retardez et nous sommes très pressés.
    Gilles, pour sa part, ne dit rien. L’algarade de Sitapanoki l’avait ulcéré au point de lui faire mépriser toute défense, toute explication. Depuis sa rencontre avec la jeune femme, il vivait dans une sorte de rêve éveillé. Il était Tristan reposant vide la coupe de philtre offerte par Yseut, il était Merlin captif des enchantements de Viviane et pas un instant il n’avait imaginé que sa passion spontanée pût ne pas être payée au moins d’une tendresse tout aussi naturelle. Il avait cru, stupidement, que la déesse aux yeux d’or avait besoin de lui, il l’avait crue malheureuse… exactement comme il avait cru que Judith se noyait.
    La pensée de Judith, venue brusquement s’associer à celle de Sitapanoki, lui fut pénible, comme un reproche mais sans lui être autrement désagréable. L’image de la jeune fille était cachée quelque part dans les replis de son cœur et il savait que le jour où il lui prendrait fantaisie d’y aller voir, il retrouverait intact son amour pour elle, bien différent de ce que lui inspirait l’Indienne. C’était son corps, bien plus que son âme, que réclamait Sitapanoki. Il avait faim d’elle et il le savait mais ce qu’il était incapable de deviner, c’était ce que deviendrait sa passion le jour où cette faim serait apaisée…
    Une main toucha son bras tandis qu’une voix timide murmurait :
    — Pardonne-moi ! Je… je ne savais pas.
    Peut-être parce que Judith habitait momentanément son esprit, la jeune femme n’eut de lui qu’un regard glacé. Doucement, il détacha la main qui s’attardait sur son bras nu, lui communiquant sa chaleur puis, s’inclinant légèrement, il murmura d’une voix courtoise mais froide :
    — Je n’ai rien à pardonner. Gunilla a raison. Tu es libre d’aller où bon te semblera, Sitapanoki. Je suis désolé si je t’ai contrariée. Après tout, peut-être savais-tu que ta nourriture était droguée.
    Les yeux soudain étincelants, elle se cabra.
    — Que veux-tu dire ?
    — Rien d’autre que ce que j’ai dit. Cornplanter est un grand chef lui aussi… et c’est un homme fort séduisant.
    Le mot n’était pas achevé que la gifle avait claqué sur sa joue. Il l’accueillit avec un sourire dédaigneux, haussa les épaules.
    — … Comme tu voudras…, fit-il en se détournant pour rejoindre Tim. Mais cela ne prouve rien…
    Depuis, l’Indienne et lui semblaient s’ignorer et ne s’adressaient plus la parole. Elle marchait devant lui, derrière Gunilla qui, elle-même, suivait Tim et jamais elle ne se retournait. Quand l’orage les surprit sur les croupes boisées de la Pennsylvanie, il y avait plus de

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