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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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grand malade nerveux qui combattait ses fréquents étourdissements par des chasses interminables.
    Une grande agitation régnait dans cet hôtel. Des officiers chamarrés y croisaient des fonctionnaires affairés qui, la plume d’oie sur l’oreille, couraient d’un étage à l’autre transportant des papiers ou de gros registres. Le vestibule et l’escalier résonnaient comme tambours des bruits de pas, des courses et des conversations.
    Toujours derrière son guide, Gilles gagna le premier étage où il fut confié à un planton. Par une courte galerie et un long couloir on le mena jusqu’à une porte que l’on ouvrit en annonçant :
    — Voici la personne que vous attendez, Monsieur le Secrétaire !
    Gilles, un peu éberlué, se trouva dans une pièce aussi éclairée par une haute fenêtre nue que le permettait le temps si triste. Les murs étaient revêtus de cartes marines, de plans et d’une assez belle peinture représentant un combat naval sous un ciel fuligineux. Deux tables, une grande, chargée de papiers et de registres et une petite qui ne supportait qu’une écritoire et du papier blanc formaient, avec une grosse armoire, le principal de l’ameublement. Quant au personnage assis à la grande table qui leva les yeux à l’entrée de Gilles, c’était un homme maigre et pâle à la mine funèbre et au long nez chaussé de bésicles mais qui portait perruque blanche, habit de beau drap d’Elbeuf couleur châtaigne et chemise à jabot plissé.
    Il considéra un moment sans rien dire et tout en mordillant sa plume celui qu’on lui amenait et qui, à tout hasard, l’avait poliment salué. Puis, au bout de ce moment, il promena songeusement la plume sous sa joue bien rasée, toussota pour s’éclaircir la voix et se décida enfin à articuler d’un ton protecteur :
    — On nous a dit que vous briguiez un emploi de secrétaire auprès de la personne de M. le comte de Rochambeau, jeune homme. Est-ce vrai ?
    Une bouffée de sang monta au visage de Gilles.
    — Très vrai, monsieur !
    — Hum ! Parfait ! Néanmoins, vous comprendrez aisément qu’il ne suffit pas de briguer une place pour qu’elle vous soit aussitôt accordée. Encore faut-il s’en montrer capable. C’est fort rare, un bon secrétaire, ajouta le personnage en se rengorgeant suffisamment pour que le postulant comprît bien quelle importance il attachait personnellement à ce titre.
    Le jeune homme réprima un sourire.
    — Croyez, monsieur, que j’en suis intimement persuadé. Puis-je cependant déduire de vos paroles un certain encouragement ?
    — N’allons pas trop vite ! Il est certain que la chance paraît vous favoriser puisque hier encore cet emploi était tenu par un jeune clerc angevin fort capable, qui comptait comme un vieux notaire mais qui, ayant appris ce matin d’inquiétantes nouvelles de chez lui, a dû abandonner son poste, sans doute pour de longues semaines. Aussi, devant l’embarras évident de Monsieur le Comte, l’un de ses aides de camp, le jeune vicomte de Noailles, qui semble vous tenir en estime, vous a chaudement recommandé. Nous avons donc décidé de vous essayer. Asseyez-vous à cette petite table. Prenez du papier, une plume et apprêtez-vous à écrire sous ma dictée : il importe d’abord de voir comment vous écrivez.
    Presque machinalement, Gilles obéit, disposa son papier, prit une plume dont il s’assura qu’elle était bien taillée et attendit. Il ne se sentait pas très à l’aise. Comprenant que ce bonhomme prétentieux s’apprêtait à lui faire subir une espèce d’examen, très certainement sans indulgence, il se sentait les mains moites tandis qu’une boule fort gênante allait et venait au fond de sa gorge. Mais quand « Monsieur le Secrétaire » eut commencé à dicter, ce petit malaise disparut. Après tout, c’était un combat comme un autre et si la plume était moins noble que l’épée, elle pouvait représenter un passeport assez efficace pour l’Amérique.
    La lettre, adressée à M. de Sartines, ministre de la Marine, dévidait après une longue suite de phrases protocolaires articulées d’une voix aussi pompeuse que monocorde un long plaidoyer en faveur des approvisionnements du chevalier de Ternay et concluait par une demande de numéraire fort claire. Mais maintenant la plume grinçait joyeusement entre les doigts de Gilles, emportée par l’espoir qui soulevait le jeune homme.
    Une fois terminée, le Secrétaire approcha

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