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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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l’épître de son long nez et la lut avec une attention sourcilleuse avant de la reposer sur son bureau et de précipiter Gilles dans une nouvelle épreuve : cette fois, il s’agissait d’une longue colonne de chiffres à additionner et de quelques autres opérations qui arrachèrent une petite grimace au jeune homme car il ne raffolait pas des mathématiques. Il s’en tira cependant, du moins il l’espérait, assez honorablement.
    Puis, sans transition, son bourreau passa à un autre genre d’exercice qui se présenta sous forme de questions touchant la géographie maritime posées à brûle-pourpoint, d’un ton trop négligent pour n’être pas horripilant… et en anglais.
    Mais s’il avait cru embarrasser le postulant, Monsieur le Secrétaire s’était trompé. Grâce à son parrain, Gilles possédait assez bien la langue de Shakespeare et, si son accent n’était pas tout à fait celui d’Oxford, du moins ne sentait-il pas trop sa province.
    On en était là quand la porte se rouvrit et Gilles n’eut que le temps de sauter sur ses pieds car le nouveau venu n’était autre que Rochambeau en personne.
    Son regard calme effleura Gilles mais pesa sur l’examinateur qui resta court au milieu d’une phrase.
    — Eh bien, monsieur Jego ? demanda-t-il.
    Le secrétaire courba respectueusement son dos maigre.
    — Nous avions presque terminé, Monsieur le Comte. Je crois, sur ma foi, que la recommandation de M. le vicomte de Noailles se justifie. Ce jeune homme s’exprime bien, il est cultivé, son écriture est assez belle et son anglais fort convenable il me semble.
    — Nous ferons vérifier par M. de Fersen qui parle cette langue dans la perfection. Eh bien, je vous suis obligé, Monsieur le Secrétaire. Voulez-vous maintenant me laisser seul avec ce jeune homme ?
    Le secrétaire disparut comme une ombre, laissant face à face le grand chef et celui qui désirait tant le suivre.
    Rochambeau alla s’asseoir dans le fauteuil abandonné par Jego et considéra attentivement le jeune homme.
    — Il semblerait, monsieur, que vous soyez apte à remplir la tâche réclamée pour vous par Monsieur de Noailles. Mais vous comprendrez qu’avant de vous la confier, je désire vous connaître un peu mieux. Qui êtes-vous exactement ?
    Sans hésitation, Gilles tira de son habit la lettre remise par son parrain avec les papiers nécessaires : extrait de naissance, certificat de baptême, etc., et tendit le tout.
    — Voici les papiers me concernant, mon général. Si vous le permettez, j’y joindrai cette lettre qui, très certainement, n’arrivera jamais à destination. Elle est de M. l’abbé de Talhouët-Grationnaye, mon parrain, et elle est adressée à Mme du Couédic de Kergoaler mais j’imagine, puisque cette dame ne me connaît pas, qu’elle me présente en détail. Si, néanmoins, elle était insuffisante, je m’engage à répondre loyalement aux questions que vous me ferez l’honneur de me poser.
    Silencieusement, le Général accepta la lettre, la lut avec attention, ce qui lui prit quelque temps car elle était assez longue puis la rendit à Gilles mais, pour la première fois, le jeune homme vit l’ombre d’un sourire sur son visage.
    — Enfui du collège de Vannes, hein ? De sang illustre mais sans nom… ou presque ? Je vois ! Mais, dites-moi un peu pourquoi vous désirez tant aller vous battre à mes côtés au-delà des mers ? Car il n’y a aucune illusion à garder : tous mes hommes devront se battre… même mon secrétaire !
    Les yeux du jeune homme lancèrent un éclair.
    — J’espérais que vous diriez : « Surtout mon secrétaire », fit-il avec une fougue juvénile qui adoucit d’un seul coup le regard froid de Rochambeau. Quant à l’Amérique… Il me semble que quelque chose m’attend là-bas. Je ne sais pas très bien ce que cela peut être mais je sais qu’il me faut y aller… à tout prix !
    — Eh bien, nous verrons ! Où êtes-vous logé ?
    — Euh… à l’auberge du Pilier Rouge, en principe.
    — Pourquoi, en principe ?
    — Je veux dire par là que j’ai passé la nuit sous ce toit mais, en fait, je logeais plutôt dans la voiture d’un colonel dont j’ignore même le nom !
    Cette fois, Rochambeau se mit à rire.
    — Très ingénieux ! Mais la voiture d’un colonel quel qu’il soit ne me paraît pas un asile convenable pour mon secrétaire ! Allez porter votre bagage à l’hôtel de l’amiral sur le cours Dajot où

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