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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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navire.
    Parfois, le duc de Lauzun, chef d’une légion de cavaliers volontaires étrangers, et le comte de Ségur, colonel du Régiment de Soissonnais auquel appartenait le jeune Noailles, s’attardaient un moment auprès du groupe joyeux. Gilles, alors, écoutait de toutes ses oreilles, se croyant transporté par quelque magie dans l’antichambre même du Roi. Naturellement, on parlait beaucoup de femmes, dont Lauzun était grand amateur.
    Mais, en dehors des conférences d’État-Major, il était rare que les aides de camp fussent tous réunis car le travail ne manquait pas et Rochambeau, qui les connaissait bien, avait toujours quelque mission à leur confier, de jour tout au moins car la nuit on essayait de s’ennuyer le moins possible. Grâce à eux, Brest retentissant des violons des bals, des chansons à boire et du tintement des verres joint à l’incessant vacarme de l’Arsenal, devint sans peine la ville la plus bruyante du royaume. Pendant quelques jours tout au moins, car bientôt le chevalier de Ternay et le comte de Rochambeau mirent bon ordre à tout cela en faisant charger les navires au fur et à mesure qu’ils étaient prêts. On était déjà suffisamment en retard ainsi que Gilles le constata dès le début de ses fonctions.
    En effet, le plan d’embarquement prévu pour les régiments avait pris son début d’exécution la veille même de son arrivée. Espérant mettre à la voile le 8 avril, le chevalier de Ternay avait décidé initialement que l’on embarquerait le 4 le Royal-Deux-Ponts, le 5 la Légion de Lauzun, le 6 le Régiment de Soissonnais, le 7 le Bourbonnais et le 8 les trois compagnies d’Auxonne-Artillerie, appartenant au régiment de Toul, et le régiment de Saintonge, en provenance de Crozon et de Camaret. Ils devaient déjà être réunis à Roscanvel et, de là, transportés directement à bord du vaisseau l’ Ardent et de transports entre lesquels ils seraient répartis. Mais comme à cette date rien n’était prêt ce fut totalement impossible, d’autant plus que le temps devint franchement exécrable.
    Les vents étaient contraires au point que le 10 avril, un vaisseau, le Saint Joseph et un brûlot espagnol, la Santa Rosa qui avaient tenté de quitter la rade furent jetés à la côte. Les bourrasques ne cessaient de cracher aux visages des deux chefs, de plus en plus soucieux, des paquets de pluie rageurs.
    Mais Gilles découvrit bientôt que cette immobilisation était pleine d’enseignement. Tandis que dans les bureaux de l’Arsenal et sur le port il voyait peu à peu se former l’escadre et le lourd convoi qu’elle allait escorter, tandis qu’il apprenait à reconnaître les sept vaisseaux de ligne des deux premières divisions, les flûtes de la troisième, les frégates et les vingt-huit transports, les pavillons de leurs commandants et la répartition des troupes dans cette cité flottante, dans la grand-chambre de poupe du Duc de Bourgogne il vivait, muet comme une planche et presque aussi raide, les espoirs et les angoisses des deux commandants suprêmes en face des ordres souvent absurdes de leurs ministres respectifs et de l’absence de nouvelles concernant cette terre révoltée vers laquelle ils allaient emmener tant de braves gens. Les dernières nouvelles reçues dataient en effet de plus de six mois : elles disaient que la situation du général Washington n’était pas des meilleures et que les troupes anglaises du général Clinton tenaient toujours New York. Néanmoins, les ordres du chevalier de Ternay portaient qu’il devait faire route sur Rhode Island… sans que Versailles se fût préoccupé de savoir si les Insurgents s’y maintenaient toujours.
    Et Gilles prit l’habitude, peu à peu, de voir le petit amiral entrer en fureur à presque toutes les arrivées du courrier ministériel.
    — M. de Sartines se moque de moi, s’écria-t-il un soir tandis que le plancher résonnait de son pas inégal. Ne prétend-il pas m’interdire de sortir de Brest si d’aventure des croisières anglaises s’approchent d’Ouessant ? Il m’écrit que les intentions des amiraux Graves et Walsingham étant inconnues ne peuvent être qu’inquiétantes. Depuis quand les Anglais nous font-ils part de leurs intentions, je vous le demande ?… Autant m’interdire de jamais quitter la terre. Contre qui croit-il que nous allons nous battre ?
    Un autre soir, ce fut pis.
    — … Savez-vous ce que l’on m’envoie ? s’écria-t-il

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