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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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place sur la Provence mouillée à quelques encablures. L’on n’en n’entendait plus guère parler, sinon au moyen des concerts que, pour se désennuyer, il faisait donner chaque soir par la musique de sa légion.
    — S’il osait, il donnerait des bals, grommelait le chevalier de Ternay, agacé par ces flots de musique dont chaque crépuscule emplissait la rade.
    — Il oserait volontiers s’il avait la permission d’amener des femmes à bord, répondait Rochambeau.
    Et les deux hommes, avec un soupir, faisaient fermer les fenêtres pour s’absorber plus commodément dans leurs combinaisons.
    Le temps impitoyable et l’ennui accablaient l’escadre et le convoi immobile dont les unités venaient chaque jour s’ajouter les unes aux autres. À bord du Neptune, le jeune Noailles, embarqué avec le 2 e bataillon du Régiment de Soissonnais, tuait le temps en d’interminables bagarres avec le non moins jeune Arthur de Dillon dont le sang irlandais s’accommodait aussi mal de l’inaction que des plaisanteries parfois mordantes du Vicomte.
    Vint, enfin, ce 1 er mai qui allait passer sur Gilles comme un météore : en laissant une trace brûlante.
    Ce fut, d’abord, à la fin de l’après-midi la nouvelle tant attendue qui balaya la rade comme une traînée de poudre : le vent tournait, le vent se décidait enfin à souffler du nord. Une immense acclamation monta qui, des vaisseaux, gagna le port et s’abattit sur la ville. Aussitôt, ce fut sur toute la flotte une activité fébrile. Le chevalier de Ternay fit savoir que, si le vent se maintenait, on mettrait sous voiles à l’aube et envoya sur l’heure une frégate la Bellone reconnaître les parages d’Ouessant pour voir si d’aventure aucune escadre anglaise n’y aurait poussé subitement.
    Pour la dernière fois, Gilles reçut l’ordre de gagner la terre afin de s’assurer qu’aucun nouveau courrier n’était arrivé et, pour la dernière fois, il gagna l’hôtel du cours Dajot où l’Amiral et le Général recevaient leurs lettres privées.
    Il traversait la cour de la maison pour gagner les bureaux quand il s’entendit appeler par le concierge.
    — Hé là-bas ! Jeune homme !… Hé ! monsieur le Secrétaire, s’il vous plaît ! Il y a une lettre pour vous…
    Le mot l’atteignit comme une balle et l’arrêta net.
    — Une lettre ? Pour moi ? Que fait-elle chez vous ? Elle devrait être avec le reste du courrier.
    Le bonhomme lui offrit un sourire à la fois futé et entendu.
    — Allons ! Une jolie petite lettre comme ça, on ne la met pas avec le courrier d’un Amiral ou d’un Général. Ça vient d’une femme cette petite chose à cachet bleu.
    Au bout de ses gros doigts, le concierge agitait en effet un petit billet artistement plié et scellé d’un petit cachet dont Gilles déchiffra les armes avec un battement de cœur : c’étaient les merlettes de Saint-Mélaine.
    L’émotion fut si violente qu’il resta là un instant, tournant et retournant le billet sans se résoudre à l’ouvrir sous l’œil goguenard du préposé à la porte, visiblement dévoré de curiosité.
    — … Ben vrai ! fit celui-ci n’y tenant plus ! On peut pas dire que vous soyez pressé de lire ! Ça devrait être intéressant tout de même.
    Gilles haussa les épaules. Jetant un coup d’œil furieux à l’indiscret, il reprit sa course vers le bâtiment principal, grimpa quatre à quatre l’escalier pour retrouver l’abri de la mansarde qui, avant l’embarquement, lui avait servi de logement. Elle avait repris son aspect inhabité mais il s’y sentait tout de même encore un peu chez lui et personne ne pouvait voir ce qu’il y faisait. Là seulement il se décida à briser le cachet, à déplier la lettre et retint un sourire de bonheur.
    L’écriture était maladroite, enfantine. Quant à la signature, elle consistait seulement en un grand J d’une forme nettement extravagante. Et le texte ne comportait que peu de lignes mais il lui parut digne des plus grands poètes.
     
    On me dit que vous avez bien débuté, que de grands espoirs vous sont permis si vous savez vous montrer digne de la confiance que l’on met en vous. Surtout n’y manquez pas car un échec désolerait plus de monde que vous ne l’imaginez. Et ne perdez pas de temps car trois ans sont vite passés.
    Néanmoins, je vous supplie de prendre garde à vous car dans cette guerre où vous allez, il se peut que le danger le plus grand ne vienne pas

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