Le glaive de l'archange
et regarda autour de lui. Ses deux lieutenants l’encadraient, chacun porteur d’une torche enflammée.
Un vent soudain se leva autour de la cathédrale. Un formidable éclair cisailla le ciel. Un coup de tonnerre parut ébranler les dalles du sol et un cheval hennit de terreur. Les porteurs de torches reculèrent à la hâte. Le Glaive leva son arme vers le ciel et s’écria :
— Saint Michel, délivre-nous une fois encore du mal !
Une torche parut tomber à terre, et une immense boule de feu et de bruit emplit tout l’espace devant la cathédrale. Quand la foule rassemblée fut capable de voir à nouveau, les flammes consumaient déjà le corps du Glaive.
— C’est la vengeance du Seigneur ! cria quelqu’un.
Chacun se sauva, pris de panique. Les plus chanceux parvinrent à gagner des coins sombres et des portes ouvertes ; les autres tombèrent dans les bras des soldats. La pluie se mit à sonner sur les pavés, crépitant lorsqu’elle touchait le corps embrasé.
— Avez-vous vu cela ? dit Berenguer. Il était là et, l’instant d’après, il était à terre, en flammes !
— Oui, Votre Excellence, répondit Francesc Monterranes, dont les yeux étaient aussi bons que ceux de quiconque. On eût cru qu’un éclair avait jailli du sol. Je pensais qu’il était tombé sur une torche allumée, mais l’éclat était bien trop vif pour cela.
— C’est peut-être une torche embrasée qui lui est tombée dessus, dit Berenguer.
Isaac tourna la tête vers la fenêtre ouverte et huma l’air.
— Cet éclair sent curieusement le soufre, dit-il. Je pense que cela mérite d’être approfondi.
CHAPITRE XVII
Rares furent ceux qui dormirent dans le palais cette nuit-là. Les hommes d’armes, pressés et trempés par la pluie, entraient et sortaient du bâtiment, cherchant des ordres ou transmettant des rapports. Les salles communes avaient été transformées pour servir de lieu d’interrogatoire. Les vingt-quatre personnes terrorisées qui n’avaient pas réussi à se fondre dans le noir après la chute de l’éclair furent amenées dans la salle principale, expliquant à qui voulait l’entendre qu’elles étaient descendues sur la place pour écouter les tambours et la musique.
Alors que Don Arnau organisait la traque du reste des conspirateurs, Don Eleazar s’adressa à l’officier chargé de la coordination de l’enquête.
— Ils ont un Conseil de six membres, lui dit-il. Nous avons déjà trois noms. Voyez si certains se trouvent parmi ce groupe, ajouta-t-il en lui tendant une liste. Trouvez d’autres noms si vous le pouvez – il y en a bien qui échangeraient un traître ou deux contre leur tête – et prévenez aussitôt Arnau.
— Je ne suis pas de Gérone, messire, dit l’officier. Je pourrais demander à quelqu’un d’ici de mettre des noms sur les visages. Cela gagnera du temps.
— Arnau s’occupe des gens du cru, dit Eleazar. Voyons. Trop de prêtres trempent jusqu’au cou dans cette histoire. Son Excellence et le vicaire sont avec Sa Majesté.
Il passa mentalement en revue tous ceux qui se trouvaient encore au palais.
— Il y a bien un certain Johan, mais il refusera. Et la fille est repartie chez elle avec son père. Mais leur jeune serviteur pourra nous aider.
Il s’apprêta à partir.
— Il a peur, dit-il. Cachez-le bien. Et prenez un scribe avec vous, vous en aurez besoin.
— Un enfant ? fit l’officier, surpris. Bah, mieux vaut un garçon honnête qu’un homme menteur. Merci.
C’est ainsi que, nourri de fruits, de pain et de fromage, Yusuf fut conduit, tout tremblant, dans la salle où l’on questionnait les prisonniers. L’un après l’autre, ils se présentèrent devant le scribe, qui nota leurs noms, leurs professions et les raisons qu’ils avançaient de se trouver sur la place à une pareille heure. L’un après l’autre, Yusuf les regarda depuis le coin sombre où il se tenait, quasiment dissimulé derrière l’officier.
— Sauront-ils que je me trouvais ici ? demanda Yusuf.
— Nul n’est au courant de ta présence hormis Don Eleazar. Et moi, dit le jeune homme. Et je ne connais même pas ton nom.
Rodrigue fut le premier à passer devant le scribe. Il indiqua son nom, son métier, et fit, indigné à juste titre, le récit de ses activités de la soirée. Il servait à la taverne.
— J’aurais pu tout aussi bien fermer, dit-il. Je n’ai pas vendu assez de vin pour noyer une mouche. Et puis
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