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Le glaive de l'archange

Le glaive de l'archange

Titel: Le glaive de l'archange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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leva.
    — À la plus belle ville du monde, dit-il. Puisse-t-elle prospérer.
    Et il but. Tous burent ; il emplit à nouveau chopes et gobelets ; ils burent encore, à la bonne fortune cette fois-ci. Il poussa le pichet sur la table voisine et, aussi brusquement qu’elle avait cessé, la conversation reprit. Romeu se dirigea vers l’autre longue table et poussa un pichet en direction d’un colosse qui écoutait avec respect, sinon compréhension, un petit homme agile au visage boudeur et aux yeux maussades.
    — Permettez-moi de vous offrir à boire, dit Romeu aux deux hommes en versant du vin dans la chope du colosse et en tendant la main vers le gobelet du petit homme.
    — Je ne bois pas, fit ce dernier en écartant le pichet. Pas quand je ne puis rendre l’invitation.
    — Il me racontait ses soucis, intervint le colosse avant de retomber dans le silence.
    — Le gros Johan sait patiemment écouter les ennuis d’autrui, dit son ami.
    — C’est une chose rare que de savoir écouter, fit observer Romeu tout en remplissant machinalement le gobelet du petit homme. Moi aussi, j’ai connu des moments difficiles.
    Il baissa d’un ton pour parler sur le mode de la confidence.
    — À cause de la vilenie de personnages dont le nom vous surprendrait, j’ai perdu ma fonction, ma réputation et ma modeste fortune. J’ai passé trois années sans le sou et en exil. Mais, comme vous pouvez le voir, la roue a tourné. Ceux qui conspirèrent contre moi furent démasqués. On m’a rendu mon poste et mon nom.
    Sur ce, il remplit à nouveau le gobelet du petit homme.
    — Je suis relieur, dit celui-ci. Et je m’appelle Martin.
    — C’est un excellent commerce, approuva Romeu. N’y a-t-il donc plus de livres à Gérone, que vous ne puissiez trinquer au bon saint ?
    — Ah, les livres ne manquent pas. Il n’y a pas si longtemps, j’effectuais toutes les reliures pour la cathédrale et les cours ecclésiastiques ainsi que pour certains gentilshommes de la ville. C’était d’un excellent rapport. Je ne suis pas plus âgé que vous, messire, pourtant j’occupais en permanence un artisan et deux apprentis. Et puis quelque vicaire malveillant… je sais de qui je parle, dit Martin en se servant lui-même à boire. Il s’est plaint d’un certain manque de soin. C’était l’apprenti – on ne trouve plus d’apprentis de nos jours. Pas depuis que la peste en a tant tué. Aujourd’hui, n’importe quel bon à rien estime devoir se faire payer en or pour avoir dormi toute la journée sur son établi.
    Il secoua la tête.
    — Donc, j’étais occupé, et le vicaire – voilà un homme qui n’est pas tendre – a donné une partie du travail à un autre, un juif, et paraît-il qu’il a mieux travaillé, et à meilleur prix.
    — On a donné votre ouvrage à un…
    — Oui, messire. On a fait cela. Un juif. Qui travaille pour l’évêque.
    Il parla plus bas.
    — On dit qu’il a des esclaves. Il les tient enfermés dans l’atelier, les nourrit sur place et dépense le minimum. Ce n’est pas juste. L’évêque devrait faire exécuter son travail par des chrétiens, pas par des juifs ou leurs esclaves maures.
    — Vous entendez ça, Josep ? demanda Romeu. Qu’adviendra-t-il quand la fabrication du papier sera reprise par les juifs ?
    — Nous n’en arriverons pas là, dit l’homme à l’air prospère. Je sais comment protéger mes intérêts.
    — Il est temps que nous fassions quelque chose, intervint une deuxième voix, de l’autre côté de la table.
    — Nous y veillons déjà, Marc, ajouta une troisième voix. Joignez-vous à nous.
    — Silence, bande de sots ! murmura quelqu’un d’autre. On pourrait nous entendre.
    — Le Glaive de Vengeance de l’archange Michel abattra les chefs couverts de sang, les prêtres corrompus et les sorciers juifs, dit une voix qui sortait de l’ombre. De même qu’à l’époque de nos grands-pères il nous a sauvés des envahisseurs français.
    Mais quand ils se retournèrent pour voir qui avait parlé, ils ne virent personne.
    Romeu sourit, les yeux brillants, son premier gobelet de vin à peine entamé dans sa main. Il le reposa, échangea un mot ou deux avec le maître des lieux, offrit encore un peu de vin et se glissa dans la nuit tiède. Son œuvre ne faisait que commencer.
     
    Au milieu de la nuit, la lune s’était cachée derrière les collines, et la chaleur recouvrait toujours comme une couverture les ténèbres veloutées

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