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Le glaive de l'archange

Le glaive de l'archange

Titel: Le glaive de l'archange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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de Gérone. L’odeur de boue et de poisson mort montait de la rivière pour se mêler de façon peu plaisante aux parfums plus domestiques de la cité : anciennes odeurs de cuisine, choux en putréfaction, lieux d’aisances, fumée des cheminées.
    La ville s’apaisait. Seuls quelques fêtards incorrigibles n’avaient pas encore cherché un lit pour la nuit – prairie odorante, bras accueillants ou même paillasse solitaire. À la porte nord de la ville, Isaac le médecin dit adieu à son escorte, adressa un mot et donna une pièce au gardien, puis partit d’un bon pas vers le quartier juif. Le doux contact de ses bottes de cuir fin sur les pavés familiers résonnait dans l’air paisible de juin. Il s’arrêta. Son écho se fit entendre un moment avant de cesser ; quelqu’un guettait dans la nuit. Isaac saisit une bouffée de peur et de désir qui dérivait dans l’air, puis ce fut l’odeur âcre du mal. Il referma la main sur son bâton et marcha plus vivement.
    Les pas disparurent dans le lointain, et le médecin repensa à l’enfant malade qu’il venait de quitter. Cette semaine avait vu une nette amélioration de son état ; il avait bon appétit et désirait à nouveau jouer dans les écuries ou près de la rivière. Sans autre médicament que le bon air et une nourriture saine, il devrait être aussi robuste que tout enfant de son âge vers la fin de l’été. Son père serait satisfait.
    La porte du Call était depuis longtemps fermée à clef et barricadée. Isaac frappa les lourdes planches de son bâton ; rien ne se passa. Il frappa plus fort.
    — Jacob, appela-t-il d’une voix grave et pénétrante, espèce de bon à rien ! Réveille-toi ! Tu veux donc que je dorme à la belle étoile ?
    — J’arrive, maître Isaac, grommela Jacob. J’arrive. Il fallait peut-être que je garde la porte ouverte toute la nuit en vous attendant ?
    Mais sa voix n’était plus qu’un murmure dont on pouvait ne pas tenir compte. Isaac posa son panier à terre et attendit. Une douce brise se leva, porteuse de l’entêtant parfum des roses du jardin de l’évêque ; elle souleva les cheveux d’Isaac avant de mourir. Quelque part un chien aboya. Dans le Call, le gémissement d’un bébé transperça l’air nocturne. À en juger par l’intonation maladive de ce cri, c’était certainement le premier-né de Reb Samuel, qui n’avait même pas trois mois. Isaac secoua la tête. Son cœur s’affligea pour le rabbin et son épouse. À tout instant, leur servante serait chez lui pour l’implorer de passer sa tunique et de venir voir l’enfant.
    La lourde barre fut délogée, une clef tourna dans la serrure et la petite porte s’ouvrit dans un grincement.
    — Il est vraiment tard pour laisser entrer quelqu’un, maître, dit Jacob. Même lorsqu’il est aussi honorable que vous-même. De plus, c’est une nuit bien préoccupante, pleine d’ivrognes aux intentions mauvaises. C’est quand même la seconde fois que je suis tiré du lit, ajouta-t-il d’un ton qui en disait long. Et celui que j’ai laissé entrer vous cherchait.
    — Ah, Jacob, si le reste du monde connaissait des nuits tranquilles, toi et moi pourrions consacrer nos heures nocturnes à un sommeil paisible, non ?
    Il déposa une pièce dans la main du portier.
    — Mais comment gagnerions-nous notre pain ? ajouta-t-il avec un soupçon de malice avant de prendre la direction de sa demeure.
    Il fut accueilli à la porte par une voix qu’il ne reconnut pas. Elle paraissait appartenir à un homme jeune et robuste, et l’accent était celui des Catalans de l’arrière-pays.
    — Maître Isaac, dit l’étranger, c’est le couvent de Sant Daniel qui m’envoie. Une de nos dames est gravement malade. Elle crie de douleur.
    Il parlait comme si ses mots avaient été appris à grand-peine.
    — On m’a demandé de venir vous chercher, vous et vos médecines.
    — Au couvent ? Cette nuit ? Je viens d’arriver.
    — On m’a dit de venir vous chercher, répéta l’étranger qui haussait le ton, pris de panique.
    — Silence, mon garçon, dit doucement Isaac. Je vais venir, mais il me faut d’abord prendre ce dont j’ai besoin. Ne réveillons pas la maisonnée.
    Il tourna la clef de la porte et entra.
    — Attendez-moi dans la cour, dit-il en tendant la main. J’ai à faire dans la maison.
    Le fils du jardinier du couvent observa Isaac avec une curiosité qui confinait à l’étonnement. Ce que l’on disait en

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