Le glaive de l'archange
que le roi était parvenu à contenir jusqu’ici fut brusquement la plus forte, et son visage pâlit.
— Et Votre Majesté croit que le prince Johan connaît son agresseur ? Ou pourrait le connaître ?
— Oui. C’est un enfant très brave, mais chaque fois qu’un homme a été admis en ma présence aujourd’hui, il s’est réfugié derrière moi, terrorisé, jusqu’au moment de le voir et de l’entendre. Sauf vous, Berenguer. À cause de votre robe, peut-être.
— Il est rassurant de savoir que l’assassin n’est pas un évêque, Votre Majesté, fit sèchement Berenguer.
— Mais moins rassurant de constater que mon fils a été attaqué par quelqu’un qu’il s’attend à voir près de moi.
— Ou quelqu’un qui ressemble à l’un de vos conseillers ou de vos serviteurs, sire, ajouta l’évêque.
— C’est possible. Nous avions décidé de ne pas le garder à la cour, où les conspirateurs croient le trouver. Mais il semble qu’il sera plus en sécurité auprès de sa mère pour le reste de l’été. Avec une garde, bien évidemment. Elle ne se préoccupera pas de ses propres intérêts alors que la vie de son enfant est en jeu, ajouta-t-il d’un ton sinistre.
— Il y a toujours des problèmes avec les arrangements clandestins, sire, murmura Berenguer. Il est plus difficile de monter une défense efficace quand les soldats n’apparaissent pas comme tels.
— Certes. Qui est la brave femme qui l’a caché et si bien soigné ?
— La fille du médecin, Votre Majesté. Rebecca, épouse de Nicholau, un des scribes de la cathédrale.
— Parlez à Don Eleazar. Il veillera à ce qu’elle soit justement récompensée pour la peine qu’elle a prise, dit le roi. Nous rendrons visite à notre fille quand la tension de la journée sera retombée, Berenguer. Vous souhaiterez peut-être nous accompagner.
— Holà, Johan ! appela Isaac depuis la porte de l’établissement de bains.
En début d’après-midi, sa conscience coupable – et son tourment à l’idée que Raquel n’était pas en sécurité à la maison – l’avait poussé à faire la tournée des patients qu’il avait négligés. Sa dernière visite l’avait rapproché des bains ; laissant Yusuf dehors afin qu’il guette la venue d’éventuels étrangers, il entra parler au gardien.
— Oui, maître Isaac, fit le gros Johan d’une voix tremblante.
— As-tu le temps de t’asseoir et de bavarder un peu avec moi ? demanda Isaac.
— Oui, maître. Vous pouvez vous installer ici. Le banc est confortable.
Sa voix n’avait plus les intonations amicales qui la caractérisaient. Le gardien au tempérament placide paraissait très agité.
Isaac s’assit sur le banc et posa son panier entre ses pieds.
— Merci. Viens, Johan, assieds-toi à côté de moi. On dit que tu n’as pas l’air bien. Cela m’inquiète et je suis venu te voir. Dis-moi ce qui ne va pas.
— Rien, maître, s’empressa-t-il de répondre. Tout va bien.
— Dans ce cas pourquoi as-tu l’air d’aller mal ?
Péniblement, Isaac arracha au gardien une longue liste de petits maux.
— Ainsi donc, résuma-t-il, tu ne dors plus avec ta facilité habituelle, tu ne peux manger avec le plaisir que tu trouvais ordinairement à ton dîner, ta tête te fait mal et ton ventre frissonne de peur, sans raison toutefois. Quand tout cela a-t-il débuté ? Non, ne me réponds pas. Je le sais. Tout a commencé la nuit où cette religieuse a été tuée dans tes bains, n’est-ce pas ?
— Oui, maître, fit Johan d’un air pitoyable.
— Et pourquoi cela, je te prie ?
Il n’obtint pas de réponse.
— Je ne suis pas l’espion de ton maître absent, Johan, et je ne cherche pas à te prendre ton emploi. De même, je ne suis ni juge ni prêtre. Je ne suis que ton médecin, qui s’inquiète pour ta santé, pas ta moralité.
Toujours pas de réponse.
— Dans ce cas, laisse-moi deviner. As-tu laissé cette pauvre créature entrer dans les bains après la tombée de la nuit ?
— Oh non, maître, je n’ai rien fait de tel.
— As-tu laissé entrer un homme – son assassin, probablement – après la tombée de nuit, alors que les bains auraient dû être fermés à clef ?
— Oh non, maître, je n’ai laissé entrer personne. Je ne me trouvais pas ici cette nuit-là, je vous le jure.
— Tu as donc confié ta clef à quelqu’un, n’est-ce pas ? C’est ce que faisait Pedro, dit-on.
— Non, répondit le
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