Le glaive de l'archange
message pour moi ?
— Oui, madame, dit Raquel, qui regarda une nouvelle fois par la fenêtre. Mais hâtez-vous. C’est bientôt le coucher du soleil, et je dois être rentrée avant.
— Il nous faut du papier, de l’encre, une plume. Raquel, trouvez une des pupilles. Une jeune. Dites-lui que j’ai besoin d’écrire. Vite !
Le soleil déclinant avait viré du jaune pâle à l’or avant le retour de Raquel, qui annonça, essoufflée, qu’elle avait rempli sa mission.
— Mais où est-elle ?
— Il faut qu’elle trouve tout cela, madame, et qu’elle vous l’apporte en évitant les sœurs qui semblent être en tout lieu.
— Elle saura s’y prendre, dit Isabel d’un air confiant. C’est la première chose que l’on apprend.
Les pas qui retentirent dans le couloir n’étaient pas ceux d’une des pupilles du couvent. Un coup bref fut frappé à la porte, qui s’ouvrit sur Sor Marta :
— Bonsoir, dame Isabel. Le médecin est là pour vous voir. Et votre père se trouve dans le cabinet de dame Elicsenda en compagnie de l’évêque. Il viendra vous voir un peu plus tard. Sa Majesté aimerait parler à maîtresse Raquel. Maintenant.
Sur ce, elle hocha la tête d’un air d’importance et s’éloigna.
Isabel devint livide et les joues de Raquel virèrent à l’écarlate.
— J’essaierai de venir demain soir, murmura-t-elle, terrifiée, avant de s’en aller.
Le globe rouge orangé du soleil frôlait l’horizon quand Isaac et Raquel quittèrent enfin le couvent.
— Quelle heure est-il ? demanda Isaac.
— Le soleil va se coucher, papa. Nous devons nous hâter.
— Où est Yusuf ?
— Ici, seigneur, dit le garçon.
— Qui est-ce, papa ? demanda Raquel en découvrant son visage égratigné.
— Il est mes yeux depuis ton départ. Mais ce n’est qu’un enfant, et il ne peut être également mes mains. Je suis heureux de t’avoir à nouveau avec moi.
— Maintenant que votre fille est revenue, vous n’aurez plus besoin de moi, seigneur ? demanda Yusuf d’une voix parfaitement neutre.
— On n’a jamais assez de paires d’yeux, dit le médecin. J’ai besoin de vous deux. Il fera aussi tes commissions, Raquel. Il est vif.
— Et querelleur, fit-elle remarquer.
Jacob les vit approcher et ouvrit grandes les portes du quartier juif.
— Hâtez-vous, maître Isaac, cria-t-il, le soleil est pratiquement couché !
Ils dévalèrent donc les rues qui menaient à la maison. Ibrahim attendait devant la cour. Dès qu’ils furent entrés, la porte se referma lourdement. Ils étaient arrivés.
— Faites vite vos ablutions, commanda Isaac, et chacun emprunta une direction différente.
Ils étaient assis à table, essoufflés et cramoisis, quand Judith entra.
— Raquel ! s’écria-t-elle en l’arrachant à sa place afin de l’étreindre. Je t’attendais ce matin, dit-elle, fâchée, en la tenant à bout de bras comme pour mieux la contempler. Où étais-tu passée ?
— Oh, maman, fit Raquel. C’est si… Je te le dirai plus tard.
Judith s’éloigna, alluma les bougies et entama les prières.
— J’ai engendré une fille dont la déraison a quelque chose de diabolique, dit Don Pedro à Berenguer une fois confortablement installé dans le fauteuil le plus luxueux que le palais épiscopal pouvait lui offrir.
Il avait écarté les membres de sa suite à l’exception de son secrétaire, Eleazar ben Solomon, et de son chien de garde, Don Arnau. Les trois hommes parurent embarrassés.
— Sa mère, si je m’en souviens bien, avait également une forte volonté, dit prudemment l’évêque. Il lui était impossible de dissimuler ses affections ou ses dégoûts – même de feindre. C’était là l’un de ses charmes.
— C’est vrai. Et vous faites bien de me le rappeler, Berenguer. Quelles relations ma fille a-t-elle avec Bellmunt ?
— Aucune, sire, dit l’évêque, surpris. Elle était très étroitement surveillée par les sœurs, je puis vous l’assurer. Avant cet horrible événement, elle n’avait jamais franchi seule les murs du couvent.
— Vous la croiriez donc, si elle disait l’avoir rencontré hier pour la première fois ?
— Oui. En outre, je trouverais impossible de croire qu’elle a intrigué pour le rencontrer auparavant. La nuit dernière, Bellmunt a dormi ici, sous mon toit, ajouta-t-il, quittant le palais à l’aube pour aller chercher les deux dames et les ramener au couvent.
— Que vous
Weitere Kostenlose Bücher