Le glaive de l'archange
observer. Quelques minutes plus tard, les avocats revinrent, chacun se leva précipitamment, et Sa Majesté alla reprendre sa place, suivie de son train de juges.
— Le prisonnier désire-t-il faire une déclaration ? demanda-t-il sur le ton de la conversation.
Tomas s’inclina :
— Votre Majesté, je sais désormais qu’aveuglé par la folie et le manque d’expérience, j’ai été mêlé au pire des crimes. Dieu sait qu’il n’y avait nulle trahison dans mon cœur, mais je suis horrifié par les maux que mes actions auraient pu entraîner. J’en accepte donc les conséquences sans me plaindre. J’implore non pas votre pardon, mais votre indulgence.
— Voilà de braves paroles, bravement prononcées, dit le roi sans changer d’expression. Tomas de Bellmunt, vous êtes reconnu coupable de trahison. Lundi, vous serez confié au bourreau afin d’être exécuté en accord avec votre rang et vos biens seront soumis à confiscation.
Les mots fondirent sous le rugissement qui résonnait dans sa tête. Il s’inclina devant Sa Majesté, et on l’emmena.
CHAPITRE XV
Yusuf se glissa hors du prétoire et se dirigea vers la grand-place, devant le palais épiscopal. Une fois là, il escalada le mur et rampa sur un toit adjacent. Il alla du toit à la cour, puis vers un autre mur, jusqu’à ce qu’il pût voir à l’intérieur du quartier juif. Un volet s’ouvrit brutalement et une femme poussa un cri scandalisé. Il se laissa glisser au bas du mur et sauta sur un toit du Call. Ensuite, ce fut facile. Sur le toit de la maison d’Isaac, il dérapa sur les tuiles, en accrocha une au passage, tomba dans la cour, plié en deux et le souffle court.
Comme Yusuf s’efforçait de recouvrer sa respiration, Isaac murmura :
— Il n’était pas nécessaire de voler au-dessus des habitations du Call. Une fois à l’intérieur, nous autres, simples mortels, avons l’autorisation de marcher dans la rue. Quelles sont les nouvelles ?
— En passant par là, seigneur, je suis allé plus vite.
Yusuf se tourna vers Raquel.
— J’ai un message de la part de dame Isabel, maîtresse. Elle souhaite que vous veniez dès que possible. Et les nouvelles du procès sont très mauvaises.
— Condamné ! s’écria Raquel. À être exécuté lundi ! Je ne peux y croire. Oh, papa, dame Isabel va en mourir !
— Cela ne la tuera pas, répondit Isaac. Elle sera horriblement malheureuse, mais elle ne mourra pas parce que la vie lui a présenté sa facette la plus hideuse. Pourtant elle aura besoin de toi.
— Quand cela ?
— Au moment opportun. Je t’emmènerai. Nous irons ensemble, mais je dois attendre que ta mère redescende avant que de partir. Passe une cape sombre et attends-moi devant la porte du quartier. J’ai ma propre façon d’entrer et de sortir – tout aussi efficace que celle de Yusuf, mais plus coûteuse.
Raquel se changea pour enfiler une robe toute simple, grise avec des manches droites, et une tunique plus sombre. Elle jeta un voile sur sa tête et, sans prendre garde à la chaleur étouffante qui régnait dans la chambre close, s’enveloppa d’une cape noire. Elle eut l’impression, malgré tout ce qu’elle pouvait dire pour se justifier, de se déguiser comme si elle envisageait de tirer une bourse ou de commettre un meurtre. Elle se sentait aussi coupable que si c’étaient là ses intentions véritables. « Tout ce que tu fais, songeait-elle, c’est rendre visite à une amie. » Mais cela ne servait à rien.
Les rues du quartier juif étaient paisibles ; les fenêtres aux volets ouverts laissaient échapper des bruits domestiques : bébés qui pleurent et mères qui les calment de leurs voix douces, enfants qui gémissent sur de petits maux, imaginaires ou bien réels. Un air chaud, étouffant, planait sur la ville. Le calme, qu’elle trouvait d’ordinaire apaisant, pour l’esprit comme pour le corps, lui semblait aujourd’hui de mauvais augure. Chaque fenêtre abritait un espion, qui se demandait où elle allait et ce qu’elle faisait. Une menace était embusquée dans chaque recoin de porte, en haut de chaque ruelle. Quand elle arriva en bas des escaliers sombres et étroits qui menaient à la porte du quartier, elle s’enveloppa plus étroitement encore dans sa cape.
Le bruit de pas inconnus la précipita dans l’encoignure d’une porte ; elle se tapit et abaissa le voile sur son visage. Un homme grossièrement vêtu, au visage rouge,
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