Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le glaive de l'archange

Le glaive de l'archange

Titel: Le glaive de l'archange Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
Vom Netzwerk:
tourna au coin de la rue, la regarda et parut vouloir s’arrêter. Mais quelque chose le fit changer d’avis, et il poursuivit son chemin. C’était un incident infime, pourtant le cœur de Raquel palpitait d’effroi, comme si un masque d’innocence souriante était tombé du visage de la ville qu’elle aimait pour en révéler les traits hideux. Un monde capable de condamner à mort un innocent sans autre cérémonie qu’un procès expéditif – un procès où elle, principal témoin, n’était même pas appelée – était un monde où justice, vertu et respect de la loi n’étaient que parodies. Des larmes coulaient sur ses joues, et elle appréciait l’épaisseur de son voile.
    Elle entendit son père approcher bien avant de le voir – ses pas fermes, le choc de son bâton sur le pavé, et, mêlés à cela, les pas vifs et légers de Yusuf.
    — Es-tu là, ma chérie ? appela-t-il alors qu’il arrivait près de la porte.
    — Ici, papa, dit-elle d’une voix qu’elle ne pouvait empêcher de vibrer.
    Elle quitta sa sombre cachette et retrouva le soleil de fin d’après-midi.
    Isaac était vêtu comme à l’accoutumée quand il rendait visite à un patient. L’air très sérieux, Yusuf marchait à côté de lui et portait le panier empli de simples et de remèdes. Raquel poussa un hoquet de douleur en voyant l’air sérieux de l’enfant : il était aussi fier et solennel qu’elle-même quand elle avait hérité cette fonction de Rebecca. Était-elle en proie à la nostalgie de l’enfance ou se pouvait-il qu’elle fût jalouse du petit Maure ? Résolument, elle tenta de reprendre pied dans le présent.
    Isaac tendit le bras et referma ses doigts sur sa main.
    — Raquel, mon enfant, tu trembles. Que se passe-t-il ? Quelque chose t’aurait effrayée ?
    Elle aurait voulu hurler : « Oui, papa, j’ai peur ! Le monde entier est mauvais ! » Mais ici, par cet après-midi ensoleillé, en ce jour de sabbat, elle se sentait stupide d’éprouver une crainte aussi déraisonnable, aussi injustifiée.
    — Non, papa, dit-elle, mais en vous attendant, je me suis mise à penser au pauvre Tomas et…
    Ses yeux s’emplirent de larmes et elle ne put continuer.
    — C’est normal, ma chérie. Maintenant, sortons d’ici.
    Isaac siffla doucement. Un jeune garçon fit son apparition et déverrouilla la porte. Le médecin laissa tomber quelques pièces dans la main tendue du garçon, puis ils sortirent dans la ville.
     
    Ils payèrent leur dû au péage et passèrent la porte nord en silence ; ils empruntèrent le pont jeté sur la Galligants avant que Raquel n’ose parler.
    — Comment avez-vous expliqué ma disparition ? demanda-t-elle enfin.
    — Je ne l’ai pas expliquée. Tu as de la fièvre, suite à cette terrible expérience, et je t’ai donné une puissante potion soporifique. Il serait dangereux de chercher à t’éveiller avant demain matin.
    — Papa, vous êtes si intelligent ! Et si malicieux !
     
    Isaac avait ses propres raisons de se trouver à l’extérieur de la ville avant le coucher du soleil. Yusuf et lui accompagnèrent Raquel sur le pont, puis sur la route qui longe la rivière, jusqu’au couvent.
    — Au revoir, ma chérie, dit-il. Souviens-toi : tu dois rentrer tôt demain matin, avant même que ta mère ne s’éveille. J’enverrai Yusuf te chercher. Couvre-toi bien en traversant la ville.
    — Oui, papa, dit Raquel, obéissante.
    — Fais de ton mieux pour consoler dame Isabel. Tu lui seras plus utile que moi. Mais si son état général empire – si elle est fébrile, si elle se sent la tête vide ou si elle souffre –, envoie-moi chercher. Je serai aux bains maures. Tu devras prendre ta décision avant la tombée de la nuit ; ensuite, il sera trop tard.
    — Pourquoi aux bains, papa ? Johan est-il malade ? Et pourquoi si tard ?
    — Chut, ma chérie. Certaines affaires personnelles m’entraînent là-bas. Prends le panier, tu en auras peut-être besoin.
     
    — Holà, Johan, murmura Isaac à la porte de l’établissement de bains.
    — Maître Isaac, dit le gardien, vous voici enfin. Avec le garçon ? ajouta-t-il, surpris.
    — Il est mes yeux, Johan. Mais il est petit et ne prendra pas beaucoup de place. Tout est-il prêt ?
    — Oui, maître. Tout ce que vous avez demandé.
    — Conduis-moi là où je devrai attendre.
    Johan prit le médecin par la main et l’entraîna dans une alcôve située sur le côté de la

Weitere Kostenlose Bücher