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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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le
vice, la calomnie, et la persécution des juifs.
    Nos rois avaient de tout temps protégé les juifs qui, en
revanche, ne les avaient déçus, en leur consentant des prêts à intérêts modérés
et à remboursements lointains. Un nommé Bourgeois, qui avait peu à se glorifier
en ses mérangeoises, se mit en tête d’insulter quotidiennement les fripiers
juifs de la rue de la Tonnellerie, lesquels, pourtant, rendaient de si grands
services aux Parisiens pauvres. La réaction des juifs fut vigoureuse. Ils
s’emparèrent par surprise de Bourgeois et l’assassinèrent, à ce qu’on me dit,
point vite ni doucement.
    Cependant, tandis que Paris revenait peu à peu au calme, les
provinces à leur tour s’agitaient, et la reine estima nécessaire d’aller en
personne rétablir l’ordre. La décision fut courageuse de ces longuissimes
voyages en carrosse par un février froidureux, mais avant que j’en dise ma
râtelée, plaise au lecteur de me permettre de lui parler d’aucunes dames de ce
royaume.
    Le lecteur se souvient sans doute que, sous le règne de
Louis XIII, de grandes dames avaient lutté bec et ongles contre la
politique de Richelieu, méritant par là le surnom que je leur avais
donné : « le clan des vertugadins diaboliques ». Comme en France
on ne coupe pas la tête aux dames, elles n’avaient subi aucun châtiment, hors
l’exil, dont, Richelieu mort, elles étaient revenues, toujours aussi avides de
conspirations et d’aventures galantes. Il va sans dire que l’on retrouvait dans
ce nouveau clan la terrible duchesse de Chevreuse, mais d’autres noms
apparaissaient aussi pour la première fois : la princesse Palatine et la
duchesse de Longueville. La dernière nommée, en 1650, souleva la Normandie
contre la reine Anne. Aussitôt, en plein février, par un temps fort froidureux,
la reine, qui avait lutté bec et ongles contre ces pécores de la haute
noblesse, décida d’aller elle-même recouvrer sa province perdue. Elle la
reconquit en vingt jours. Je note en passant, en effet, qu’à Rouen, ayant
destitué le procureur des États de Normandie, elle le remplaça par Pierre
Corneille, lequel possédait en ladite ville une fort belle maison, et faisait,
disait-on, de si belles tragédies en vers. Il va sans dire que les incultes et
les non-doctes en firent des gorges chaudes : des vers ! Un procureur
qui faisait des vers ! s’exclamaient ces coquefredouilles.
    La reine, qui avait autant de cœur que Rodrigue dans la
tragédie que l’on sait, ne s’arrêta pas là. À peine revenue de Paris, elle
partit pour la Bourgogne, laquelle elle pacifia en un tournemain. Elle en
revint et elle repartit pour la Guyenne au bord de la révolte. La reine voulut
à cette occasion que je l’accompagnasse, pensant que connaissant le latin,
l’anglais, l’allemand, l’italien et l’occitan, j’étais capable d’entendre tous
les jargons de nos provinces. Il s’en fallait bien, mais je ne pus la faire
revenir sur cette idée ni sur sa décision, et la mort dans l’âme, je dus
quitter mon épouse et mes enfantelets pour de longues semaines. J’eus du moins
la consolation d’emmener avec moi Fogacer, ce qui faillit ne pas se faire, car
il noulut départir de Paris sans emmener avec lui un nouveau petit clerc,
lequel, dit-il, avait appris sous sa houlette des éléments de médecine et
pratiquait à merveille la saignée.
    Le petit clerc s’appelait Babelon, et dès que je le vis, je
trouvai que c’était bien pitié qu’il ne s’appelât pas Babelette, car avec
quelques petites modifications il eût fait une bien accorte mignote.
    Ayant appris mes démarches auprès d’Anne d’Autriche pour
qu’elle emmenât avec elle, outre ma personne, Fogacer et Babelon, le médecin de
la reine, loin de contrecarrer ces projets, s’avisa de tomber malade, tant il était
sans doute peu ragoûté à l’idée de courir des centaines de lieues dans une
cahotante carrosse par un temps froidureux.
    Pour moi, ce ne fut pas sans un serrement de cœur que je
quittai mon épouse et mes enfantelets. Du moins avais-je obtenu de la reine de
voyager dans ma propre carrosse avec Nicolas, Fogacer et Babelon, suivi de mes
charrons. La veille de mon département, j’allai faire mes adieux à la princesse
de Guéméné. Elle était dans les larmes, le coadjuteur ayant rompu la veille
avec elle. Ce qu’elle eût dû prévoir, le futur archevêque étant plus couvert de
femmes qu’un chien de puces.
    Bien que

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