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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Louis et le
cardinal décidèrent en 1640 de le reprendre, afin de supprimer une position
ennemie si avancée en France qu’elle pourrait faciliter une nouvelle invasion.
    À ma grande surprise, le cardinal me dit que le roi désirait
que je l’accompagnasse comme truchement en cette expédition, les habitants
étant meshui plus Castillans que Français et ne parlant même plus notre langue.
    — Mais, Excellence, dis-je, je ne parle pas l’espagnol.
    — Vous l’apprendrez sur place, dit Richelieu d’un ton
sans réplique.
    Voilà qui était facile à dire, m’apensai-je, surtout pour un
homme qui ne savait que le français et le latin, et qui pis est le latin
d’Église, ce qui ne lui aurait certainement pas permis de lire Tacite.
    En quittant le cardinal, je me sentis très déconforté à
l’idée d’annoncer à Catherine cette nouvelle mission. Je n’omis pas toutefois
ma quotidienne visite à la princesse de Guéméné. À cette heure matinale elle
était encore en sa couche, revêtue d’une robe de nuit ajourée, son abondante
chevelure châtain entourant sa tête charmante d’un savant désordre.
    À peine m’eut-elle envisagé qu’elle s’écria :
    — Mais qu’est cela, m’ami ? Vous, d’ordinaire, si
allant et joyeux, vous voilà triste et marmiteux. Ne vous asseyez pas, de
grâce, au diable de Vauvert, mais venez sur ma couche à mon côté, donnez-moi
votre main, et dites-moi ce qu’il en est.
    Je lui contai alors ma râtelée de l’impossible mission à moi
imposée par Richelieu.
    — J’entends bien, dit-elle, que votre Catherine va être
bien marrie de vous voir si tôt départir.
    — J’en suis moi-même désolé. Mais le pis, c’est que je
la quitte pour rien, cette mission étant parfaitement inane, vu que je ne parle
pas l’espagnol.
    — L’avez-vous dit au cardinal ?
    — Certes et avec force, mais il fut adamant.
    — Il se peut que le cardinal, qui connaît votre
irrésistible attirance pour le gentil sesso , ait pensé que vous n’auriez
aucune difficulté à encontrer en Artois une belle Espagnole qui sera heureuse
de prendre langue avec vous pour vous enseigner la sienne.
    — Je doute que le cardinal soit si coulant à ce sujet.
    — Détrompez-vous. Pour le cardinal, seule la fin
importe. Les moyens ne comptent pas.
    — Croyez-vous qu’il soit si cynique ?
    — M’ami, un grand ministre est par nécessité plus
proche de Machiavel que de saint François de Sales.
    — On peut espérer du moins qu’il se confesse de temps
en temps de ses petites vilenies politiques à un de ses pairs.
    — Il ne le peut : ses péchés sont des secrets
d’État.
    — N’est-ce pas étrange, dis-je, que l’amour soit peu ou
prou une bataille entre les amants ? Voyez le roi et Cinq-Mars.
    — Chose étrange, dit-elle, je n’ai jamais vu ce petit
pimpreneau de cour. Comment est-il ?
    — Aussi joli qu’un mignon d’Henri III. Mais tout
joli qu’il soit, il n’est pas bougre. Tout le rebours. Quand le roi tient sa
cour à Saint-Germain-en-Laye, notre Cinq-Mars part tous les soirs en sa
carrosse rejoindre Marion de Lorme à Paris, et passe la nuit avec elle. Il
revient tôt le matin à Saint-Germain et dort jusqu’à midi. Ce qui fait que le
roi lui reproche sa paresse en termes d’autant plus véhéments qu’il sait bien
qu’il ne s’agit que d’un épuisement amoureux.
    — Mais qui est cette Marion de Lorme, dont parlent la
Cour et la ville ?
    — Marion de Lorme est une femme de si belle et de si
haute volée, et si bien garnie en pécunes, qu’elle peut choisir l’amant qu’elle
désire, et au besoin repousser un duc qui ne lui plaît pas. Ce qui ne l’empêche
pas, tout en aimant Cinq-Mars, de le plumer. Inutile de vous dire que Richelieu
a introduit une rediseuse en son hôtel.
    — Marion de Lorme est-elle un péril pour l’État ?
    — Elle pourrait l’être. Cinq-Mars est, à l’égard du
roi, si dur, revêche et rebelute, que celui-ci pourrait à la longue y perdre sa
santé et, par conséquent, mettre en grand péril les affaires de l’État.
    Au moment du départir pour l’Artois, Monsieur de Guron me
pria de le prendre en ma carrosse avec son écuyer. J’acquiesçai, mais quelle ne
fut pas ma stupéfaction quand je reconnus, dans ledit écuyer, la Zocoli
habillée en gentilhomme, le cheveu court et sans le moindre pimplochement ni
des yeux ni des joues, une fausse moustache sous le nez, ses rondeurs
dissimulées

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