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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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mousquets, que je
ne laissais jamais d’emporter avec moi au cas où nous serions assaillis par les
caïmans des grands chemins. Ce qui eût été fort mal avisé de leur part, car
nous étions précédés et suivis par les soldats, les premiers étant les
officiers du logement qui se hâtaient, à l’approche des villes, pour trouver
des chambres aux officiers, et des camps pour les soldats.
    Je n’eus pas d’aventures au cours de ce long voyage, mais je
fis une rencontre qui s’avéra fort heureuse pour moi. À dix ou douze lieues de
Lyon, alors que j’étais seul sur la route, les officiers du logement m’ayant
largement devancé, et le gros de l’armée ne m’ayant pas encore rattrapé,
j’aperçus sur ma droite dans une prairie, dont aucun fossé ne me séparait, une
carrosse qui paraissait en piteux état et, l’entourant, des silhouettes de
femmes et d’hommes. J’ordonnai alors à mon cocher de s’engager sur ladite
prairie dans leur direction, et une fois à proximité, je dépêchai Nicolas pour
quérir de ces personnes en quel prédicament elles se trouvaient et si elles
avaient besoin d’aide. Nicolas fut de retour en un clignement d’œil et me dit
qu’il s’agissait de dames de bon lieu et d’un cocher, tous plongés dans un
grand embarras, car l’essieu de leur carrosse s’était rompu, et ils n’avaient
rien ni personne pour le réparer. Nicolas, à en juger par les armes peintes sur
la carrosse, conclut que ces dames étaient nobles et, qui plus est, « très
alléchantes ».
    — Nicolas, dis-je sévèrement, retire ce mot
« alléchantes », s’il te plaît. Il ne s’agit pas ici de loudières,
mais de dames.
    — Je le retire, Monseigneur, dit Nicolas avec une
humilité qui ne changeait rien, j’en suis bien assuré, à son intime sentiment.
    — Leur as-tu dit qui j’étais ?
    — Oui-da ! Duc et pair, membre du Grand Conseil du
roi et, à la réflexion, j’ajoutai que vous étiez aussi chevalier de l’ordre du
Saint-Esprit.
    — Et pourquoi « à la réflexion » ?
    — Parce que j’avais observé que ces dames portaient sur
elles des bijoux à caractère religieux.
    — Ciel ! Des dévotes ! Nicolas, suis-moi, je
vais prendre langue avec elles.
    — Monseigneur, « prendre langue » n’est-ce pas
une expression un peu osée, s’agissant de dames si confites en leur
dévotion ?
    — Effronté Nicolas ! dis-je en lui donnant une
petite tape sur la nuque. Qui t’a permis de dauber ton maître ?
    — Monseigneur, dit-il, je m’excuse de vous avoir
offensé. Si impertinence il y eut, je la retire et vous prie de me pardonner.
    — Voire ! dis-je. Du diantre si j’ai jamais vu un
écuyer si impertinent avec son maître !
    — Monseigneur, cela tient sans doute à ce que mon
maître, lequel a beaucoup d’esprit, sait discerner quelque vérité dans mes
humbles remarques.
    — Et te voilà, meshui, qui chantes tes louanges.
Holà ! Nicolas ! Cela suffit ! Suis-moi sans piper mot et ne te
lèche pas non plus les babines à regarder ces dames.
    M’étant approché, Nicolas à mon côté, je saluai dame et
demoiselle, selon le plus pur protocole de cour en me découvrant avec un
élégant virevoltement de mon chapeau et en pliant le genou. Sur quoi, elles me
firent une belle révérence.
    — Monsieur, dit la dame, sachant par votre gentil
écuyer qui vous êtes, je me présente à vous. Je suis la marquise de Montalieu
et voici ma nièce Adélaïde.
    J’entends bien, lecteur, que tu aimerais ici que je te
brosse un portrait de la marquise de Montalieu et de sa nièce. Pardonne-moi,
mais il faut meshui parer au plus pressé : réparer son essieu, et la
ramener au bercail.
    — Madame, dis-je, les présentations faites, peux-je
vous demander où vous alliez ?
    — À Lyon, où je demeure.
    — La Dieu merci, ce n’est pas si loin. Voici ce que je
me permets de vous proposer. Mes deux charrons vont réparer votre essieu avec
l’aide de votre cocher. Mais cela va prendre du temps, et pendant ce temps, je
me propose de vous ramener avec votre compagne incontinent chez vous où vous
serez sûrement plus à l’aise, et en sûreté d’ailleurs, que seulette en ce pré,
exposée au vent, et surtout aux orages. Une fois à Lyon, nous attendrons que
votre cocher ramène votre carrosse et mes charrons, je chercherai alors un gîte
dans votre grande ville.
    — Bon samaritain ! dit-elle avec un sourire qui
promettait prou.

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