Le grand voyage
accostèrent près de leur camp,
Loup sauta à terre. Ils gravirent la berge le plus vite possible, tirant le
canot au sec, et coururent chercher leurs armes. Les chevaux, face à l’île,
oreilles dressées, semblaient tendus. D’habitude, les loups étaient farouches
et ne les approchaient pas, d’autant que le mélange d’odeurs émanant des
humains, des chevaux et d’un autre loup les déroutait. Mais était-ce des
loups ? Ou des... quelque chose de... des êtres surnaturels ?
Si leur mystérieux pouvoir sur les animaux n’avait effrayé les
habitants de la grande île, ces derniers, familiarisés avec la vie des marais,
auraient pu leur apprendre que les étranges loups n’étaient pas plus
surnaturels qu’eux-mêmes. Les environs du delta abritaient de nombreuses
espèces, y compris des loups. Ils avaient d’abord vécu sur la terre ferme, mais
s’étaient si bien habitués à l’environnement marécageux au cours des derniers
milliers d’années, qu’ils pouvaient parfaitement vivre sur les lits de roseaux.
Ils avaient même, dans ce pays soumis aux inondations fréquentes, appris à
grimper aux arbres.
Que des loups pussent prospérer dans un milieu aquatique en
disait long sur leurs capacités d’adaptation. Cette même capacité allait leur
permettre d’apprendre à vivre parmi les humains, avec une telle réussite qu’au
fil des ans, bien que toujours aptes à se reproduire avec leurs congénères
sauvages, ils se domestiqueraient au point de sembler issus d’une race
différente. Certains finiraient même par ne plus ressembler aux loups.
Sur l’île au milieu de la lagune, on distinguait maintenant
plusieurs loups, dont certains perchés dans les arbres. Loup regardait Jondalar
et Ayla, quêtant un ordre des chefs de sa bande. Un des loups des roseaux
hurla, imité par tous les autres. Ayla en eut la chair de poule. Ces hurlements
lui paraissaient différents de ceux qu’elle avait l’habitude d’entendre, sans
qu’elle pût définir en quoi. Peut-être était-ce l’écho sur la surface de l’eau
qui en modifiait le ton, toujours est-il que cette étrange impression accentua
son malaise.
Les hurlements cessèrent soudain, et les loups disparurent,
aussi furtivement qu’ils étaient venus. L’instant d’avant, le propulseur à la
main, les deux voyageurs se préparaient à affronter une bande de loups qui les
menaçaient depuis leur île. Les loups volatilisés, ils se retrouvèrent l’air un
peu stupide, décontenancés, prêts à lancer leurs sagaies sur d’inoffensives
massettes.
Une brise froide enveloppa leur corps nu, le soleil venait de
disparaître derrière les montagnes du couchant, annonçant l’approche de la
nuit. Ils posèrent leurs armes, coururent s’habiller, allumèrent un feu et
terminèrent l’installation du campement, mais leur bonne humeur s’était
envolée. Ayla se surprit plusieurs fois à chercher les chevaux des yeux, et ne
fut rassurée que lorsqu’elle les vit paître dans la clairière où était plantée
leur tente.
L’obscurité s’abattit sur le campement. Assis près du feu, les
deux voyageurs, étonnamment silencieux, tendaient l’oreille aux bruits
nocturnes incessants. Au crépuscule, commencèrent les gloussements des hérons
bihoreaux, suivis des grésillements des grillons. Une chouette ulula d’une voix
lugubre. Ayla perçut un cri nasillard dans les bois et crut reconnaître un
sanglier. Elle sursauta au rire sarcastique d’une hyène des cavernes. Plus
près, un grand chat qui venait de manquer sa proie poussa un cri de dépit. Elle
se demanda s’il s’agissait d’un lynx, ou d’un léopard des neiges, et s’attendait
toujours à entendre les loups hurler.
Les ombres elles-mêmes se fondirent dans la nuit et de nouveaux
bruits comblèrent les rares instants de silence. De chaque chenal, chaque
berge, chaque lac et chaque lit de nénuphars s’éleva une sérénade de
coassements adressée à un auditoire invisible. Les basses des crapauds des
marais et des grenouilles vertes en constituaient le chœur, alors que les
crapauds sonneurs entonnaient une mélodie de clochettes. En contrepoint, les
trilles de crapauds bigarrés, mêlés aux doux fredonnements des pélobates,
complétaient la symphonie, rythmée par le sonore coa-coa-coa des
rainettes.
Quand Ayla et Jondalar s’enroulèrent dans leur fourrure l’incessante
mélodie des grenouilles leur était devenue familière. Soudain, au moment où
Ayla s’y
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