Le grand voyage
que fût la présence d’une Femme Qui Soigne dans
leur société, aucun d’eux n’accepterait une étrangère susceptible de causer des
problèmes à leur chef et de possibles dissensions dans le groupe.
Pendant que Dolando réfléchissait, Ayla sentit son estomac se
nouer et sa gorge se serrer. Elle avait l’impression d’assister à son propre
jugement. Pourtant, elle n’avait rien fait de mal. Révoltée, elle faillit se
lever et partir. On ne lui reprochait pas ce qu’elle avait fait, mais ce qu’elle
était. Elle avait déjà connu cette épreuve avec les Mamutoï. Était-elle donc
condamnée à toujours être jugée ainsi ? Le peuple de Jondalar réagirait-il
à son tour de la même façon ? Iza, Creb, et le clan de Brun avaient pris
soin d’elle, et elle refusait de renier ceux qui l’avaient aimée. Mais elle se
sentait seule et vulnérable.
Quelqu’un vint se glisser à ses côtés. Elle se retourna et
remercia Jondalar d’un sourire. Sa présence la réconfortait. Elle savait qu’il
guettait la façon dont les choses tourneraient. Elle l’avait soigneusement
observé, et connaissait sa réponse à la proposition de Tholie. Pourtant, il
attendait la décision de Dolando pour formuler la sienne.
Les éclats de rire de Shamio détendirent soudain l’atmosphère.
Accompagnée d’autres enfants, elle arrivait en courant, poursuivie par Loup.
— Ce loup qui joue avec les enfants ne cesse de m’étonner,
déclara Roshario. Il y a seulement quelques jours, cela m’aurait inquiétée. C’est
une leçon à retenir. Si on se prend à s’y intéresser, on finit par aimer une
bête qu’on détestait et dont on avait peur. Mieux vaut essayer de comprendre
que de se laisser aveugler par la haine.
Dolando ne savait que répondre à Carolio. Il avait examiné
toutes les implications de la question, et pesé l’enjeu de sa réponse. Mais il
ignorait comment formuler sa pensée et la complexité de ses sentiments. Il
sourit avec gratitude à la femme qu’il aimait. Elle le connaissait si
bien ! Elle avait deviné son embarras et lui indiquait l’issue qu’il
cherchait.
— La haine m’a aveuglé, commença-t-il. J’ai tué ceux que je
haïssais, croyant qu’ils avaient ôté la vie à celui que j’aimais. Je les
prenais pour des animaux cruels, et je voulais les tuer tous. Mais cela ne m’a
pas rendu Doraldo. J’ai compris maintenant qu’ils ne méritaient pas une telle
haine. Animaux ou pas, on les avait provoqués. Il me faudra vivre avec cela,
mais...
Il faillit accuser ceux qui en savaient plus qu’ils ne lui
avaient avoué, et qui pourtant l’avaient accompagné dans sa vengeance
destructrice... mais il changea d’avis.
— Cette femme, reprit-il en regardant Ayla, cette Femme Qui
Soigne nous a appris qu’elle avait été élevée et initiée par ceux que je
considérais comme des fauves cruels, et que je haïssais. Mais même si je devais
continuer à les haïr, je ne pourrais pas haïr cette femme. Elle m’a rendu
Roshario. Le temps de la compréhension est venu.
« Laissez-moi vous dire que je trouve l’idée de Tholie
excellente. Je serais heureux que les Shamudoï acceptent Ayla et Jondalar.
Ayla se sentit soulagée d’un grand poids, et comprit pourquoi
les Shamudoï s’étaient choisi un tel chef. A le côtoyer dans leur vie
quotidienne, ils avaient pu apprécier la qualité profonde de l’homme.
— Alors, Jondalar ? questionna Roshario. Qu’en
dis-tu ? Tu ne crois pas qu’il est temps de mettre un terme à ce long
Voyage ? Qu’il est temps de poser ton fardeau et de fonder un foyer ?
De permettre à la Mère de bénir Ayla en lui offrant un ou deux bébés ?
— Les mots me manquent pour vous exprimer toute ma
gratitude, commença Jondalar. Je ne sais comment vous remercier. Pour moi, les
Sharamudoï sont mon peuple, ma famille. Ce serait si simple de m’installer
parmi vous, et j’avoue que ton offre me tente, Roshario. Mais je dois retourner
chez les Zelandonii. .. ne serait-ce que pour Thonolan, ajouta-t-il après une
longue hésitation.
Ayla savait qu’il refuserait, mais pas de cette façon. Elle
remarqua son hochement de tête imperceptible, comme si une pensée lui
traversait l’esprit. Puis, il se tourna vers elle et lui sourit.
— A sa mort, Ayla a rassuré autant qu’elle l’a pu l’esprit
de Thonolan afin de lui faciliter son Voyage dans l’autre monde. Mais son
esprit ne connaissait pas le repos, et je crains, j’ai
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