Le grand voyage
que l’été éphémère venait de s’achever.
Avant de partir, Ayla contempla une dernière fois le camp d’été
qui leur avait offert un refuge inespéré. Il semblait encore plus délabré après
que Jondalar avait arraché des morceaux de toiture qui leur avaient servi de
combustible, mais comme ces habitations ne survivraient pas à l’hiver, Ayla ne
ressentait aucun remords. Elle remercia la Mère de les avoir guidés vers elles.
Ils poursuivirent leur route vers l’ouest et la Rivière Sœur,
descendirent sur une terrasse inférieure, encore assez élevée pour qu’ils
pussent apercevoir les vastes pâturages des steppes sur l’autre rive du fleuve
tumultueux. Ils eurent ainsi une perspective de la région et une idée de l’étendue
de la plaine d’inondation. Pendant la période des crues, le lit majeur était
recouvert d’eau sur une quinzaine de kilomètres de large. La rive opposée
subissait davantage l’inondation car de trop rares collines ou falaises n’arrêtaient
la crue que par endroits, alors que les contreforts sur lesquels ils
chevauchaient limitaient l’avancée des eaux.
Contrairement aux pâturages, la plaine d’inondation était une
région sauvage, parsemée de marais, de petits lacs, de bois et de broussailles
parmi lesquels la rivière zigzaguait. Il n’y avait pas autant de méandres, ni
de canaux, mais en moins vaste, le paysage ressemblait au fantastique delta de
la Grande Rivière Mère. Les marseaux et les broussailles en pleine eau
témoignaient des crues dues aux pluies récentes et de l’ampleur du terrain
abandonné à la rivière.
Les sabots de Whinney s’enfoncèrent alors dans le sol sableux et
la jument ralentit brusquement l’allure, ramenant Ayla à une réalité plus
immédiate. Les ruisseaux qui sillonnaient les terrasses supérieures avaient
creusé des lits profonds entre les dunes de marne sablonneuse. Les chevaux
avançaient en pataugeant, projetant à chaque foulée des gerbes de boue riche en
calcaire.
En fin d’après-midi, aveuglés par le soleil couchant, Ayla et
Jondalar, la main en visière, scrutaient l’horizon à la recherche d’un endroit
où planter leur tente. En approchant du lit majeur, ils remarquèrent que la
texture du sable fin se modifiait. Comme sur les terrasses supérieures, c’était
du lœss – poussière de roche due à l’action des glaciers sur la
montagne, et dispersée ensuite par les vents – mais un lœss stabilisé
par le limon argileux qu’y déposaient parfois de fortes crues. Lorsqu’ils
virent les premières herbes des steppes apparaître le long de la rivière, ils
décidèrent de s’arrêter.
Après avoir planté la tente, ils se séparèrent afin de chasser
chacun de leur côté. Ayla partit avec Loup qui la précéda en courant et leva
bientôt une compagnie de lagopèdes. Il bondit sur un oiseau, et en rapporta un
second qu’Ayla avait tué de sa fronde au moment où il avait réussi à s’envoler
et se croyait à l’abri dans le ciel. Elle faillit laisser Loup garder celui qu’il
avait tué, mais comme il refusait de lui céder sa prise, elle changea d’avis.
Un seul des volatiles au corps bien gras aurait suffi pour leur repas, mais
elle voulait faire comprendre à Loup que lorsqu’elle l’exigeait, il devait
partager sa chasse. Ignorant ce que réservait l’avenir, elle pensait ce
dressage indispensable.
Ce n’était pas délibéré. Le froid coupant venait simplement de
lui faire prendre conscience qu’ils devraient voyager l’hiver dans un pays
inconnu. Ni le Clan ni les Mamutoï ne s’éloignaient jamais de leur campement
pendant le froid glacial. Ils se réfugiaient dans une caverne qui les
protégeait des blizzards et autres intempéries, et se nourrissaient des
provisions qu’ils avaient constituées à la saison chaude. La perspective de
voyager en hiver rendait Ayla anxieuse.
Avec son propulseur, Jondalar avait tué un gros lièvre qu’ils
décidèrent de garder pour plus tard. Ayla voulut faire cuire les volatiles à la
broche, mais dans cette contrée de steppes elle ne trouva que de maigres
buissons. En cherchant mieux, elle aperçut deux andouillers de taille inégale
et donc perdus l’année précédente par deux animaux différents. Les cors étaient
plus difficiles à casser que du bois, mais avec l’aide de Jondalar, ses
couteaux de silex bien aiguisés, et la petite hache qu’il portait à la taille,
ils en vinrent à bout. Ayla transperça les
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