Le grand voyage
oiseaux avec un morceau d’andouiller,
et se servit des fourches pour supporter la broche. Vu l’effort qu’ils avaient
dû déployer, elle décida de conserver ces andouillers qui résistaient bien au
feu.
Elle donna à Loup une part du lagopède, accompagné de racines de
roseaux qu’elle avait extraites d’un fossé d’eaux stagnantes, et de champignons
qu’elle savait comestibles et goûteux. Après leur repas, ils s’assirent près du
feu et regardèrent la nuit tomber. Les jours raccourcissaient et les deux
voyageurs n’étaient plus aussi fatigués quand venait le soir, surtout qu’il
était plus facile de chevaucher dans les plaines dégagées que de se frayer un
chemin au milieu des forêts montagneuses.
— Hmm ! Ces volatiles étaient délicieux, remarqua
Jondalar. J’aime quand la peau croustille.
— A cette époque de l’année, ils sont bien gras, et c’est
la meilleure façon de les cuire, dit Ayla. Leurs plumes changent déjà de
couleur, et celles de leur ventre sont si fournies que j’ai envie d’en
emporter. Les plumes de lagopède font les meilleures litières. Dommage que nous
manquions de place.
— Attends l’année prochaine, les Zelandonii aussi chassent
le lagopède, assura Jondalar, lui faisant miroiter des raisons d’envisager le
terme du Voyage avec impatience.
— Le lagopède était le mets favori de Creb, dit-elle
simplement.
Jondalar nota une certaine tristesse dans la voix d’Ayla et il
continua à parler, espérant lui changer les idées.
— Au sud de notre Caverne, il y a une espèce de lagopède
qui ne blanchit pas en hiver. Il garde son plumage d’été toute l’année, et il a
le même goût que les autres. Ceux qui habitent cette région l’appellent coq de
bruyère et ils ornent leurs coiffes et leurs habits de ses plumes. Ils ont un
costume spécial pour la Cérémonie du Coq de Bruyère. Ils dansent en tapant des
pieds et font un tas de mimiques, pour imiter la parade du mâle essayant de
séduire une femelle. Ça fait partie du Festival de la Mère... Ils tissent des
filets, poursuivit Jondalar devant le mutisme d’Ayla, et ils capturent une
quantité de lagopèdes en une seule fois.
— J’en ai tué un à la fronde, et c’est Loup qui a pris l’autre,
dit simplement Ayla.
Elle n’ajouta rien de plus et Jondalar comprit qu’elle n’avait
pas envie de parler. Ils restèrent assis en silence à contempler le feu qu’ils
avaient alimenté de broussailles et d’excréments qui, après les pluies
diluviennes, avaient eu le temps de sécher suffisamment pour se consumer.
— Tu te souviens du Bâton Qui Revient de Brecie ?
finit par demander Ayla. Ah, si je savais me servir d’une arme pareille !
Brecie pouvait tuer plusieurs oiseaux d’un coup.
Le froid tomba avec la nuit, et ils furent contents de se
réfugier sous la tente. Contrairement à son habitude, Ayla restait silencieuse,
perdue dans ses souvenirs nostalgiques, mais elle répondit de bonne grâce aux
caresses de Jondalar. Le mutisme de sa compagne cessa alors de l’inquiéter.
Le matin suivant, l’air était vif et un linceul de givre
blanc, condensation d’humidité, recouvrait encore la terre. L’eau du ruisseau
était froide mais revigorante. Sous les braises, ils avaient enfoui le lièvre
enveloppé dans sa dépouille, afin qu’il cuise pendant la nuit. Lorsqu’ils
épluchèrent la peau calcinée, la riche réserve de graisse hivernale avait
arrosé la viande, ordinairement maigre et filandreuse, et la lente cuisson du
gibier dans son enveloppe naturelle avait rendu la chair tendre et moelleuse. C’était
la meilleure saison pour chasser les animaux aux longues oreilles.
Ils chevauchèrent en silence dans les hautes herbes, sans se
presser mais à bonne allure. Ils échangeaient tout de même quelques mots de
temps à autre. Plus ils approchaient de la Sœur, plus le petit gibier abondait,
mais les seuls gros animaux visibles étaient loin, de l’autre côté de la
rivière : une petite bande de mammouths mâles qui se dirigeait vers le
nord. Plus tard dans la journée, ils aperçurent un troupeau mixte de chevaux et
de saïgas, toujours sur la rive opposée. Leur présence n’échappa ni à Whinney
ni à Rapide.
— Le Saïga était le totem d’Iza, déclara Ayla. Pour une
femme, c’est un totem puissant, plus puissant que le totem de naissance de
Creb, le Chevreuil. Évidemment, par la suite Creb a été choisi par l’Ours des
Cavernes.
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