Le grand voyage
s’adressait à moi, dit-elle pour seule explication,
le visage impassible.
Attaroa reprit la parole, toisant toujours Jondalar.
— Je parle maintenant pour Attaroa, prévint S’Armuna.
Pourquoi es-tu venu ?
— Mais je ne suis pas venu, on m’a transporté ici pieds et
poings liés, protesta Jondalar pendant que S’Armuna traduisait presque
simultanément. J’entreprends le Voyage, et je ne comprends pas pourquoi on m’a
ligoté. Personne n’a daigné me l’expliquer.
— D’où viens-tu ? demanda Attaroa par la bouche de S’Armuna
qui avait négligé de traduire le commentaire de Jondalar.
— J’arrive de chez les Mamutoï où j’ai passé l’hiver.
— Tu mens ! Tu venais du sud.
— J’ai fait un long détour. Je voulais rendre visite à des
parents près de la Grande Rivière Mère, à la pointe sud de ces montagnes.
— Tu mens encore ! Les Zelandonii vivent loin à l’ouest,
et tu prétends avoir des parents à l’est ?
— Ce n’est pas un mensonge. Je voyageais avec mon frère, et
contrairement aux S’Armunaï, les Sharamudoï nous ont bien accueillis. Mon frère
s’est uni avec une femme de chez eux et, par lui, je leur suis maintenant
apparenté.
— Ça suffit, dit la femme.
Il s’emporta. Pour une fois qu’il avait l’occasion de s’exprimer !
— Ignorez-vous que ceux du Voyage ont des droits de
passage ? Tous les peuples accueillent les Voyageurs avec bienveillance.
Ils échangent leurs histoires, partagent leurs biens. Partout, sauf ici !
On m’a frappé, on n’a pas soigné mes blessures, on ne m’a offert ni eau ni
nourriture. On m’a volé ma pelisse, et on ne me l’a pas rendue quand il a fallu
que je sorte dans le froid glacial.
Plus il parlait, plus il fulminait.
— On m’a traîné dehors pour me laisser geler ! Jamais
tout au long du Voyage on ne m’a traité de cette façon ! Même les animaux
des plaines partagent leur pâturage et leur eau. Quelle sorte de peuple
êtes-vous donc ?
— Pourquoi as-tu essayé de voler notre viande ? l’interrompit
Attaroa.
Elle enrageait, mais essayait de garder son sang-froid. Elle
savait parfaitement qu’il avait raison, mais elle ne supportait pas qu’on l’accuse
d’être inférieure aux autres, surtout devant son peuple.
— Je n’essayais pas de voler ta viande, protesta Jondalar
avec véhémence.
La traduction de S’Armuna était si fluide et si rapide et son
besoin de s’exprimer si violent, que Jondalar en oubliait l’interprète. Il
avait l’impression de parler directement à Attaroa.
— Tu mens ! On t’a vu courir au milieu de la bande de
chevaux avec une sagaie.
— Non, je ne mens pas ! J’essayais de secourir Ayla.
Elle était sur le dos d’un de ces chevaux, et je voulais l’empêcher de tomber
dans le ravin.
— Ayla ?
— Oui, tu ne l’as pas vue ? C’est la femme avec qui je
voyage.
— Ainsi, tu voyages avec une femme qui monte sur le dos des
chevaux ! s’esclaffa Attaroa, Si tu n’es pas un conteur errant tu as
manqué ta vocation. Tout ce que tu dis est mensonge ! martela-t-elle. Tu
es un menteur et un voleur.
— Je ne suis ni un menteur ni un voleur ! J’ai dit la
vérité. Je n’ai rien volé ! affirma Jondalar avec force.
Pourtant, il ne pouvait pas la blâmer. A moins d’avoir vu Ayla,
qui croirait qu’ils voyageaient à dos de cheval ? Il commençait à
désespérer de convaincre Attaroa de sa sincérité. Comment lui faire comprendre
qu’il n’avait pas prémédité de déranger leur chasse ? S’il avait pu
apprécier tout ce que sa situation avait de critique, il aurait été encore plus
désespéré.
Attaroa étudiait le beau géant blond à la puissante musculature,
drapé dans la peau de bête qu’il avait arrachée de sa cage. Elle nota que sa
barbe était un ton plus foncé que ses cheveux, et ses yeux, d’un bleu d’une
incroyable intensité, envoûtants. Il l’attirait irrésistiblement, mais la
violence de son trouble réveilla des souvenirs enfouis depuis longtemps, et
provoqua en elle une réaction incohérente. Elle ne se laisserait séduire par
aucun homme. Il était hors de question que quiconque, et surtout pas un homme,
pût la dominer.
Elle lui avait enlevé sa pelisse et l’avait laissé dans le froid
pour la même raison qu’elle l’avait privé de nourriture et d’eau. Tant qu’ils
avaient la force de résister, mieux valait attacher les hommes. Mais le Zelandonii,
drapé
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