Le grand voyage
sortes, traduisit Ardemun que Jondalar n’avait
pas entendu approcher. Je crois qu’elle te trouve trop audacieux et trop
intelligent. Elle veut que tu sortes pour que ses gardes puissent t’encercler.
— Et si je refuse ?
— Alors elle te fera tuer où tu es, immédiatement.
Ces derniers mots avaient été prononcés en Zelandonii sans une
trace d’accent ! Jondalar chercha qui avait parlé. C’était la
chamane !
— Si tu sors, Attaroa te laissera encore vivre un peu. Tu l’intéresses.
Mais elle finira par te tuer quand même.
— Pourquoi ? Que lui ai-je fait ?
— Tu représentes une menace.
— Moi, une menace ? Mais je ne l’ai jamais
menacée !
— Tu menaces son pouvoir. Elle veut que tu serves d’exemple.
L’intervention d’Attaroa mit un terme aux explications, et bien
que Jondalar ne comprît pas ce qu’elle disait, il lui sembla que les paroles,
lourdes de colère contenue, étaient dirigées contre la chamane. La vieille
femme lui répondit d’un ton mesuré mais sans crainte puis elle se tourna vers
Jondalar.
— Elle voulait savoir ce que je te disais, expliqua-t-elle.
Alors je le lui, ai dit.
— Dis-lui aussi que je vais sortir.
Lorsque la chamane eut traduit les mots de Jondalar, Attaroa
partit d’un grand rire méprisant, ajouta quelques mots, et s’en alla d’un pas
nonchalant.
— Qu’a-t-elle dit ? demanda Jondalar.
— Elle a dit qu’elle l’aurait parié, que les hommes étaient
prêts à tout pour prolonger leur misérable existence.
— Peut-être pas à tout, justement, répliqua Jondalar en
faisant quelques pas vers la sortie avant de se raviser. Quel est ton
nom ? demanda-t-il alors à la chamane.
— On m’appelle S’Armuna.
— Je m’en doutais. Mais où as-tu appris à parler si bien ma
langue ?
— J’ai vécu parmi ton peuple. Mais c’est une longue
histoire, soupira-t-elle, coupant court à la curiosité de Jondalar.
Il s’était attendu à ce qu’elle lui demandât son nom en retour,
mais S’Armuna lui tourna le dos.
— Je suis Jondalar de la Neuvième Caverne des Zelandonii,
annonça-t-il malgré tout.
— La Neuvième Caverne ? répéta S’Armuna, les yeux
agrandis d’étonnement.
— Oui...
Il allait décliner toute sa filiation mais l’expression
énigmatique de la chamane l’en dissuada. S’Armuna se recomposa vivement un
visage impassible et Jondalar se demanda s’il n’avait pas rêvé.
— Elle attend, annonça S’Armuna en quittant la bâtisse.
Dehors, Attaroa était assise sur un trône recouvert de fourrure,
dressé sur un monticule de terre à l’entrée de la grande maison
semi-souterraine, en face de l’enclos. Jondalar sentit de nouveau des yeux l’épier
à travers les fentes de la palissade.
En s’approchant, il découvrit que la fourrure du trône d’Attaroa
était une peau de loup, que le capuchon de sa pelisse rejetée en arrière était
aussi garni de peau de loup, et qu’elle portait autour du cou un collier
composé de canines de loup et de renard polaire. Jondalar identifia aussi une
dent d’ours des cavernes. Attaroa tenait un bâton sculpté semblable au Bâton
Qui Parle qu’utilisait Talut pour orchestrer les discussions et garantir l’impartialité
des délibérations. Celui qui tenait le bâton avait la parole, et si quelqu’un
voulait intervenir, il devait d’abord demander le Bâton Qui Parle.
Le bâton d’Attaroa lui parut familier pour une autre raison qu’il
n’arrivait pas à définir. Était-ce la sculpture ? Elle représentait la
forme stylisée d’une femme assise, avec des cercles concentriques figurant le
ventre et les seins, une drôle de tête triangulaire dont le menton formait la
pointe inférieure, et un visage aux traits énigmatiques. Cela ne ressemblait
pas aux sculptures mamutoï, mais Jondalar avait le sentiment de l’avoir déjà
vue quelque part.
Attaroa était entourée de plusieurs femmes, dont certaines qu’il
n’avait encore jamais vues, et que quelques enfants accompagnaient. Attaroa
jaugea longuement Jondalar, puis lui parla en le regardant dans les yeux. A
côté, Ardemun traduisait à grand-peine. Jondalar allait lui proposer de parler
en mamutoï, mais S’Armuna le devança en s’adressant à voix basse à Attaroa.
— Je vais traduire, annonça-t-elle ensuite.
Attaroa fit un commentaire méprisant qui déclencha l’hilarité
générale, mais que S’Armuna s’abstint de traduire.
— Elle
Weitere Kostenlose Bücher