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Le grand voyage

Le grand voyage

Titel: Le grand voyage Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: J. M. Auel
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tête était représentée par un triangle renversé, la pointe
formant le menton, et la base légèrement incurvée le sommet du crâne. Le
triangle renversé était le symbole universel de la femme, à l’image extérieure
de son organe reproducteur, et représentait donc la fécondité et la Grande Mère
de Toutes les Créatures. Le visage était strié de deux traits parallèles
horizontaux que rejoignaient deux lignes latérales allant de la pointe du
menton à la hauteur des yeux. Trois rangées de doubles lignes reliaient la base
incurvée à l’endroit où auraient dû se trouver les yeux.
    Les dessins géométriques ne représentaient pas un visage. Le
triangle renversé semblait suggérer une tête, mais les traits gravés ne
pouvaient pas figurer un visage. Aucun humain n’aurait pu contempler celui de
la Grande Mère. Son pouvoir était si gigantesque qu’on eût été détruit à La
contempler en face. Le symbolisme abstrait du Bâton Qui Parle d’Attaroa
communiquait cette impression de puissance avec art et élégance.
    Ayla avait commencé à être initiée par Mamut au sens profond des
symboles. Elle se rappela que les trois côtés du triangle – Trois
était Son nombre premier – représentaient les trois saisons
principales, le printemps, l’été et l’hiver, auxquelles on pouvait adjoindre
deux saisons mineures, l’automne et la mi-hiver, qui préfiguraient les saisons
à venir. Ce qui donnait cinq. Cinq, comme l’avait appris Ayla, était Son nombre
secret. Mais même les non-initiés connaissaient la figure inversée à trois
côtés.
    Ayla se souvint des formes triangulaires de la femme-oiseau,
représentant la Mère transcendantale, qu’avait sculptée Ranec... Ranec... Ayla
se rappela d’un coup où elle avait vu le dessin du Bâton Qui Parle d’Attaroa.
Sur la tunique de Ranec ! La magnifique tunique de cuir souple, d’un beige
splendide qu’il portait à la cérémonie d’adoption. Elle l’avait frappée par son
aspect inhabituel, buste ajusté et larges manches, mais aussi à cause de la
couleur qui allait si bien à sa peau brune. Pourtant, c’étaient les motifs qui
avaient particulièrement marqué Ayla.
    La figure abstraite de la Mère, brodée de piquants de porc-épic
aux teintes vives et de fils de tendons, était une copie exacte de celle gravée
sur le bâton d’Attaroa ; mêmes cercles concentriques, même tête
triangulaire. Ayla en conclut que les S’Armunaï devaient être de lointains
parents des Mamutoï chez qui Ranec s’était procuré sa tunique. S’ils avaient
emprunté la route que leur avait suggérée Talut, Jondalar et elle seraient
passés par ce Camp.
    A leur départ, Danug, le fils de Nezzie, portrait vivant de
Talut, lui avait dit qu’il comptait entreprendre un jour le Voyage, et se
rendre chez les Zelandonii  pour voir Jondalar. Et si dans quelques années,
Danug décidait réellement de faire ce Voyage et qu’il vienne à passer par le
Camp des S’Armunaï ? Si Danug, ou un autre Mamutoï, venait à tomber entre
les mains d’Attaroa ? Cette seule pensée la renforça dans son désir d’aider
ce peuple à mettre un terme à la domination abusive d’Attaroa.
    La Femme Qui Ordonne ôta le bâton de la vue d’Ayla et lui
présenta une écuelle en bois.
    — Puisque tu es mon invitée d’honneur, et que tu as fourni
pour ce festin un mets qui recueille tant de compliments, dit Attaroa d’un ton
lourd de sarcasmes, permets-moi de t’offrir la spécialité d’une des nôtres.
    L’écuelle était remplie de champignons cuits et coupés en
morceaux. Ayla n’avait aucun moyen de les identifier.
    Après avoir traduit, S’Armuna la supplia de se méfier. Mais la
jeune femme n’avait besoin ni de traduction ni de mise en garde.
    — Non, merci. Je n’ai pas envie de champignons pour le
moment, déclara-t-elle.
    Attaroa éclata de rire quand S’Armuna lui traduisit la réponse.
    — Dommage ! dit-elle, comme si elle s’était attendue à
ce refus, et elle plongea sa main dans l’écuelle.
    Elle en mangea une pleine poignée d’un air ravi.
    — Hmm ! Ils sont délicieux ! fit-elle.
    Elle se resservit copieusement, passa l’écuelle à Epadoa avec un
sourire complice, et vida une coupe du breuvage fermenté.
    Pendant le repas, elle avala plusieurs coupes de sève de
bouleau, et commença bientôt à montrer des signes d’ivresse ; elle parlait
fort et crachait des insultes et des grossièretés. L’une des

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