Le grand voyage
Visiblement, l’étrangère n’était
pas la bienvenue.
Sans attendre, la vieille se lança avec colère dans des
récriminations.
— L’a-t-on retrouvé, celui qui m’a volé mes petits-enfants
avant qu’ils aient eu la chance de naître ?
— Trouver Charoli ne te rendra pas tes petits-enfants,
Verdegia, riposta Losaduna, et ce n’est pas ce qui nous amène. Pour l’instant,
c’est Madenia qui nous préoccupe. Comment va-t-elle ?
— Elle refuse de se lever, et elle mange à peine. Elle ne m’adresse
même pas la parole. C’était une gentille petite fille, et elle était en train
de devenir une belle femme. Elle n’aurait jamais eu de mal à trouver un
compagnon si Charoli et ses hommes ne l’avaient abîmée.
— Qu’est-ce qui te fait dire qu’elle est abîmée ?
demanda Ayla.
La vieille femme la dévisagea comme si elle avait affaire à une
demeurée.
— Cette femme ne sait donc pas ? apostropha-t-elle
Losaduna. Madenia n’avait pas encore reçu ses Premiers Rites. Elle est gâchée,
abîmée. La Mère ne la bénira plus jamais.
— N’en sois pas si sûre, conseilla l’homme. La Mère n’est
pas aussi impitoyable. Elle connaît Ses enfants et offre de multiples moyens
pour leur venir en aide. Madenia sera purifiée et ramenée à la vie, pour qu’elle
puisse recevoir les Rites des Premiers Plaisirs.
— Ça ne changera rien ! Elle refuse qu’un homme la
touche, même pour les Premiers Rites ! glapit Verdegia. Tous mes fils sont
partis vivre avec leur compagne, ils disaient qu’il n’y avait pas assez de
place dans notre caverne pour de nouvelles familles. Madenia est mon dernier enfant,
ma seule fille. Depuis que mon compagnon est mort, j’attends avec impatience qu’elle
en trouve un. J’espérais qu’elle vivrait avec un homme qui l’aiderait à nourrir
les enfants qu’elle porterait. Mes petits-enfants. Maintenant, je sais que je n’aurai
jamais de petits-enfants chez moi. Et tout ça à cause de... de cet homme,
cracha-t-elle. Et personne ne fait rien !
— Tu sais parfaitement que Laduni attend une réponse de
Tomasi, protesta Losaduna.
— Tomasi ? Pfft ! A quoi servira-t-il ? C’est
dans sa caverne qu’a éclos cet... cet homme.
— Laisse-leur le temps. Mais pour ce qui nous concerne,
nous ne les attendrons pas pour aider Madenia. Après la purification, elle
changera peut-être d’avis sur les Premiers Rites. En tout cas, il faut tout
essayer.
— Essayez tant que vous voulez, mais elle ne se lèvera pas.
— Nous l’aiderons, assura Losaduna. Où est-elle ?
— Là, derrière, dit Verdegia en désignant un endroit près
du mur de la caverne qu’une peau protégeait des regards.
Losaduna s’y dirigea, souleva le cuir, laissant le jour éclairer
l’alcôve. La fille, allongée sur le lit, protégea vivement ses yeux de la
lumière.
— Madenia, lève-toi, ordonna Losaduna d’une voix douce mais
ferme. Ayla, aide-moi, ajouta-t-il comme la fille détournait la tête.
Ils la firent d’abord asseoir, et l’aidèrent ensuite à se mettre
debout. Madenia se laissa faire de mauvaise grâce. Ils l’encadrèrent et la
conduisirent hors de l’alcôve, puis à l’extérieur de la caverne. Pieds nus, la
fille ne semblait pourtant pas sentir le sol recouvert de neige gelée. Ils la
guidèrent vers une grande tente conique qu’Ayla n’avait pas encore remarquée.
Elle était disposée sur le côté de la caverne, cachée derrière des rochers et
des buissons. De la vapeur s’échappait du trou d’aération et une forte odeur de
soufre imprégnait l’air.
Ils entrèrent et Losaduna ferma l’entrée avec une pièce de cuir
qu’il attacha ensuite. Ils se trouvaient dans un petit passage séparé du reste
de la tente par de lourdes peaux de bêtes. Des peaux de mammouth, nota Ayla.
Bien que la température extérieure fût glaciale, il faisait bon dans le petit
passage. Une double tente avait été disposée sur une source chaude, mais en
dépit de la vapeur, les parois étaient relativement sèches. Quelques gouttes
perlaient sur la paroi et roulaient jusqu’à la couverture de peau qui
recouvrait le sol, mais l’essentiel de la condensation se faisait sur la
surface interne de la paroi extérieure, là où le froid entrait en contact avec
la vapeur chaude. L’air qui circulait entre les deux parois était plus chaud,
gardant ainsi le cuir de la surface intérieure presque sec.
Losaduna enjoignit aux deux femmes de se
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