Le grand voyage
les ténèbres.
Des « Oh » et des « Ah » de surprise parcoururent les rangs
et chacun attendit avec une impatience fiévreuse la suite des événements. Seule
brûlait la petite lampe dans sa niche, dont la flamme vacillante faisait danser
l’ombre de la dunaï qui grandit démesurément jusqu’à emplir l’espace tout
entier. C’était la première fois qu’on éteignait le feu de cette façon, et l’effet
qui en résulta inspira Losaduna qui se promit de l’utiliser à nouveau.
Les deux visiteurs et ceux qui vivaient dans le Foyer de
Cérémonie avaient déjà répété la scène qui allait suivre et chacun connaissait
son rôle. Lorsque le calme fut revenu, Ayla s’avança dans l’obscurité jusqu’à
un autre foyer. Il avait été décidé que les capacités de la pierre à feu s’étaleraient
avec plus de force si Ayla allumait aussitôt un nouveau feu dans un foyer
froid, après l’extinction du feu de cérémonie, et que l’effet spectaculaire en
serait décuplé. On avait donc disposé dans le foyer de la mousse séchée en
guise d’amadou, à côté de brindilles et de morceaux de bois. Lorsque le feu
aurait pris, on l’alimenterait avec des pierres qui brûlent.
En s’entraînant, ils avaient découvert que le vent aidait à
attiser l’étincelle, et que le courant d’air qui soufflait lorsqu’on soulevait
la porte en peau du Foyer de Cérémonie était le plus efficace. Jondalar s’était
donc planté devant l’entrée, prêt à intervenir. Ayla s’agenouilla, la pyrite de
fer dans une main, le morceau de silex dans l’autre, et les entrechoqua, ce qui
provoqua une étincelle que tout le monde put voir. Elle recommença l’opération
sous un autre angle, et l’étincelle qui jaillit retomba sur l’amadou.
C’était le signal qu’attendait Jondalar pour ouvrir la tenture
de cuir. Profitant du courant d’air, Ayla souffla sur le feu qui couvait à l’intérieur
de la mousse. Brusquement la mousse s’enflamma, déclenchant un chorus d’exclamations
diverses. Ayla ajouta des brindilles et la flamme éclaira l’obscurité d’une
lueur rougeâtre qui illumina les visages.
Le silence tendu fit place à un brouhaha de commentaires
extasiés et d’exclamations ravies. Ayla avait réussi à allumer le feu en peu de
temps, certes, mais ils étaient prêts à jurer que tout s’était passé en un
éclair.
A partir du feu d’Ayla, on en alluma un second dans le Foyer de
Cérémonie. Celui Qui Sert la Mère s’avança entre les deux foyers et prit la
parole.
— Ceux qui ne les ont pas vues ne croiraient jamais que des
pierres puissent brûler, à moins que nous en ayons à leur montrer. La pierre
qui brûle est un cadeau de la Grande Terre Mère aux Losadunaï. Elle a donné aux
visiteurs une autre pierre, la pierre à feu. Une pierre qui fait jaillir une
étincelle quand on la frappe avec un morceau de silex. Ayla et Jondalar nous
offrent une des leurs pour que nous fassions du feu, mais aussi pour la
reconnaître au cas où nous en trouverions d’autres. En échange, ils veulent que
nous leur donnions assez de vivres et le matériel nécessaire pour traverser le
glacier.
— Je leur ai déjà promis tout ça, fit Laduni. Jondalar
possède un Droit à Venir sur moi, et c’est ce qu’il m’a réclamé. C’est peu pour
un Droit, et nous leur aurions donné des vivres de toute façon.
Murmures d’approbation.
Jondalar savait bien que les Losadunaï leur auraient donné toute
la nourriture dont ils avaient besoin, tout comme Ayla et lui, la pierre à feu,
mais il voulait éviter que le Peuple des Sources Chaudes ne regrette plus tard
d’avoir cédé de la nourriture qui les priverait de réserves si le printemps
arrivait en retard. Il préférait leur laisser l’impression qu’ils avaient fait
un marché avantageux et il avait une autre idée en tête.
— Nous avons donné à Losaduna une pierre à feu pour que
chacun puisse s’en servir, annonça-t-il en se levant. Mais je demande plus que
de la nourriture. Nous ne voyageons pas seuls. Nous avons pour compagnons deux
chevaux et un loup, et nous aurons besoin d’aide pour traverser le glacier. C’est
vrai, nous avons besoin de nourriture pour les bêtes et pour nous. Mais plus
important encore, il nous faut de l’eau. Si j’étais seul avec Ayla, nous
pourrions porter une outre remplie de neige ou de glace sous nos tuniques, et
la faire fondre pour notre consommation, et peut-être celle de Loup.
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