Le grand voyage
à leur
rendre la pareille. Il considérait avoir une dette envers eux dont il ne
pourrait jamais s’acquitter. Les Autres ne lui avaient pas seulement sauvé la
vie, ils lui avaient offert une chance de préserver sa position, son statut, ce
qui comptait plus que la vie à ses yeux.
— J’espère qu’ils n’ont pas trop de chemin à parcourir,
déclara Jondalar. On ne peut pas aller loin avec des béquilles. Pourvu qu’il y
arrive.
— Oh, il y arrivera, fit Ayla, même si c’est loin. Il
serait rentré chez lui, avec ou sans béquilles. Il ramperait s’il le fallait.
Ne t’inquiète pas, Jondalar, Guban est un homme du Clan. Il y arrivera... au
péril de sa vie, mais il y arrivera.
Un voile obscurcit le regard bleu de Jondalar. Il restait
songeur, cependant qu’Ayla emmenait déjà Whinney par la longe. Puis il se
secoua et se mit en route à son tour, avec Rapide. Il était inquiet pour Guban,
mais se réjouissait tout de même que l’homme du Clan eût décliné son offre. Le
raccompagner à cheval leur aurait fait perdre des jours précieux.
De leur campement, ils continuèrent à travers bois et
parvinrent sur une crête d’où ils contemplèrent le chemin parcouru. Telles des
sentinelles, de hauts pins se dressaient sur les berges de la Rivière Mère,
colonne d’arbres sortie de la légion des conifères et louvoyant vers le flanc
des montagnes méridionales.
La pente que les voyageurs gravissaient s’aplanit et ils
débouchèrent sur une petite vallée offrant refuge à une forêt de pins. Ils
descendirent de cheval et menèrent leur monture dans la forêt dense et obscure
que baignait un silence à donner le frisson. Des fûts droits et sombres
soutenaient une voûte de ramures aux longues aiguilles qui barrait la route au
soleil et interdisait toute autre végétation. Accumulée au cours des siècles,
une épaisse couche d’aiguilles brunes étouffait les pas et le martèlement des
sabots.
Apercevant un essaim de champignons au pied d’un arbre, Ayla s’agenouilla
pour les examiner. Ils étaient durs comme de la glace, pris dans une brusque
gelée au début de l’automne. Comme la neige n’avait pas réussi à traverser la
voûte d’aiguilles, rien n’indiquait le changement de saison et on aurait cru
que le temps avait suspendu son vol, figeant pour toujours la forêt dans son
état automnal. Loup vint fourrer son museau dans la main nue d’Ayla. Elle
caressa la tête du fauve et nota son haleine embuée. Elle eut l’impression
fugitive qu’ils étaient les seuls survivants dans un monde endormi.
A l’autre bout de la vallée, la pente s’éleva brusquement et des
sapins argentés firent leur apparition, leur chatoiement rehaussé par le vert
foncé des épicéas. Avec l’altitude, les pins aux longues aiguilles se
rabougrirent avant de disparaître tout à fait, laissant les sapins et les
épicéas encadrer le lit de la Moyenne Mère.
Jondalar repensait au couple du Clan qu’ils venaient de
rencontrer. Il ne pourrait plus jamais les considérer autrement que comme des
humains. Il me faut convaincre mon frère, se promit-il. Il essaiera peut-être d’établir
des contacts avec eux... s’il est toujours l’Homme Qui Ordonne. Lorsqu’ils s’arrêtèrent
pour préparer une infusion chaude, il fit part de ses réflexions à Ayla.
— Quand nous serons chez moi, je parlerai du Clan à Joharran.
Si d’autres peuples peuvent faire du troc avec eux, pourquoi pas nous ? Il
faut aussi que mon frère sache que les clans se réunissent pour discuter des
problèmes qu’ils rencontrent avec nous. Ça pourrait mal tourner, et je n’aimerais
pas me battre avec des gaillards comme Guban.
— Rien ne presse, assura Ayla. Il faudra du temps avant que
ceux du Clan prennent une décision. Tout changement leur est difficile.
— Et le troc, crois-tu qu’ils accepteraient de s’y
mettre ?
— Guban en serait partisan, j’en suis sûre. Il a envie d’en
apprendre davantage sur notre compte. Par exemple, il a refusé de monter à
cheval, mais il a accepté les béquilles. Il a déjà fait preuve d’audace en
ramenant une femme blonde d’un clan éloigné. Yorga est belle, mais c’était un
gros risque.
— Tu la trouves belle ? s’étonna Jondalar.
— Pas toi ?
— Je comprends qu’elle plaise à Guban, répondit prudemment
Jondalar.
— Le goût des hommes dépend de leur éducation, remarqua
Ayla.
— Oui, et je te trouve très belle.
Ayla lui
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