Le grand voyage
c’était
déjà le printemps !
— Jondalar ! Jondalar, viens voir !
L’homme pointa une tête ensommeillée et Ayla vit son visage s’éclairer
d’un sourire béat.
Ils avaient campé à moyenne altitude et le crachin de la veille
avait disparu avec la brume, laissant place à un soleil radieux. Le ciel bleu
azur était pointillé de petits moutons blancs. Les arbres et les buissons
arboraient de nouvelles pousses d’un vert tendre et l’herbe du pré semblait
appétissante. Une abondance de fleurs émaillaient la verdure, jonquilles, lis,
ancolies, iris, et autres. Des oiseaux aux plumages multicolores volaient dans
le ciel, égayant la scène printanière de leurs gazouillis et de leurs chants.
Ayla reconnut des grives, des rossignols, des gorges-bleues, des
casse-noix, des pics à tête noire, des fauvettes des rivières, et répondit à
leurs chants en sifflant. Jondalar sortit de la tente pour la regarder,
fasciné, amener à force de patience et de cajolerie une pie-grièche dans le
creux de sa main.
— Comment réussis-tu cela ? s’étonna-t-il alors que l’oiseau
s’envolait.
Ayla se contenta de sourire.
— Je vais chercher quelque chose de frais et de bon à
manger, annonça-t-elle.
Loup avait de nouveau disparu, en quête d’exploration ou d’une
proie éventuelle. Il sentait, lui aussi, l’appel du printemps. Ayla rejoignit
les chevaux qui broutaient les fines pousses sucrées qui recouvraient le pré. C’était
le début de la saison riche, le temps de la croissance.
La plupart de l’année, les vastes plaines qui entouraient les
couches de glace de plusieurs kilomètres d’épaisseur, et les prairies des hauts
plateaux, étaient arides et froides. De rares pluies et quelques chutes de
neige arrosaient à peine la terre, les glaciers attirant pour leur seul
bénéfice l’humidité renfermée dans l’air. Le permafrost s’étendait sous les
steppes, comme plus tard, sous les toundras humides septentrionales, et les
vents qui soufflaient des glaciers rendaient les étés secs, la terre aride et
dure, les marais rares. L’hiver, les vents balayaient la neige légère des sols
couverts d’herbe séchée sur pied, et l’accumulaient dans les dépressions. Les
innombrables herbivores géants trouvaient là une nourriture abondante.
Les prairies ne se ressemblaient pas toutes. Pour créer la
profusion végétale des plaines de l’Ere Glaciaire, l’important n’était pas tant
la quantité de précipitations annuelles – à condition que les pluies
fussent suffisantes – que l’adéquation du moment. La combinaison de
pluies intensives et de vents asséchants en proportions convenables aux moments
opportuns étaient le gage de la richesse des prairies.
Dans les basses latitudes, le soleil commençait à réchauffer la
terre peu après le solstice d’hiver. Sur la neige ou sur la glace, la majeure
partie des rayons du soleil printanier est renvoyée dans l’espace par
réflexion, et le peu que la terre absorbe est converti en chaleur pour faire
fondre la neige.
Sur les prairies balayées par les vents, le soleil se déversait
sur les sols dénudés, et les couches supérieures du permafrost dégelaient
rapidement. L’énergie solaire préparait les graines et les racines à développer
de nouvelles pousses. Encore fallait-il de l’eau.
La glace scintillante qui réfléchissait les rayons du soleil,
résistait à la fonte printanière. Mais avec une telle humidité stockée dans les
couches de glaces hautes comme des montagnes, l’influence du soleil et la
caresse des vents chauds finissaient par se faire sentir. La couche supérieure
des glaciers commençait à fondre, l’eau s’infiltrait dans les fissures et remplissait
les ruisseaux, puis les rivières qui répandaient le précieux liquide sur les
terres desséchées. Cependant, l’apport d’eau le plus important restait celui
des brouillards et des brumes qui s’évaporaient des masses de glace et
couvraient le ciel de nuages de pluie.
Au printemps, la chaleur du soleil forçait les glaciers à rendre
l’humidité plutôt qu’à la capturer. C’était l’unique moment de l’année où la
pluie tombait, non sur le glacier, mais sur la terre fertile et assoiffée qui l’entourait.
L’été de l’Ere Glaciaire était chaud et bref ; le printemps primitif était
long et humide, et la végétation foisonnait.
Les animaux de cette ère se développaient aussi au printemps
lorsque les
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