Le grand voyage
herbacées étaient fraîches, et riches en éléments nutritifs. Le printemps
est le temps où croissent les os, les défenses et les cornes, où pointent de
nouveaux andouillers, où les fourrures d’hiver tombent avant d’être bientôt
remplacées. Le printemps commençait tôt et durait longtemps, le temps de
croissance augmentait en proportion et favorisait la taille gigantesque des
animaux et de leurs ornements.
Lorsque plusieurs espèces se partageaient la même alimentation
et le même habitat, l’une d’elles finissait toujours par prévaloir. Les autres
développaient de nouveaux comportements, modifiaient leur choix nutritif,
émigraient vers d’autres régions, ou s’éteignaient. Les herbivores n’entraient
jamais en compétition directe pour la nourriture.
Les seuls combats se déroulaient entre mâles d’une même espèce
et n’avaient lieu qu’à la saison du rut. Et souvent le simple étalage d’andouillers
particulièrement imposants, ou de cornes, ou encore de défenses, suffisait à
asseoir la suprématie et le droit à la procréation – explication
génétique des magnifiques ornements que la richesse des pâturages printaniers
encourageait.
Passé les débordements printaniers, la vie des habitants
itinérants des steppes reprenait ses normes établies, et les conditions se
durcissaient. L’été, ils devaient s’alimenter suffisamment pour maintenir la
croissance spectaculaire dont le printemps était la cause et emmagasiner des
réserves de graisse pour la saison froide. Avec l’automne arrivait la saison du
rut pour certains. Et c’était à l’automne qu’apparaissaient les épaisses
fourrures ou autres moyens de protection. Les conditions hivernales étaient les
pires. L’hiver décidait qui allait mourir et qui survivrait. Il était dur pour
les mâles qui devaient nourrir un corps énorme, et maintenir leurs ornements
démesurés ou les refaire pousser. Il était dur pour les femelles, de taille
plus petite mais qui devaient trouver assez de nourriture pour leur
progéniture. Mais c’étaient les jeunes qui souffraient le plus. Ils ne
possédaient pas encore la taille des adultes pour stocker des réserves et
devaient utiliser la graisse accumulée pour leur croissance. S’ils passaient la
première année, ils avaient des chances de survivre.
Une grande diversité d’animaux partageait harmonieusement le
territoire des prairies froides et arides proches des glaciers. Les carnivores eux-mêmes
se répartissaient leurs proies. Mais une nouvelle espèce, inventive et
créative, mal adaptée à l’environnement et qui le modifiait pour l’adapter à
ses besoins, une nouvelle espèce commençait à faire sentir sa présence.
Ils s’arrêtèrent pour se reposer près d’un torrent aux eaux
bouillonnantes, et manger le restant de venaison et les légumineuses qu’ils
avaient cuits le matin. Jondalar trouvait Ayla étrangement silencieuse.
— Nous ne sommes plus très loin, maintenant, déclara-t-il.
Nous nous étions arrêtés par ici Thonolan et moi, peu après notre départ.
— Le paysage est magnifique, dit Ayla d’un air distrait.
— Pourquoi es-tu tellement silencieuse, Ayla ? s’enquit
Jondalar.
— Je pensais à tes parents, et je me suis aperçue que je n’avais
pas de famille.
— Mais si ! Et les Mamutoï ? N’es-tu pas Ayla des
Mamutoï ?
— Oui, mais c’est différent. Ils me manquent et je les
aimerai toujours, mais je les ai quittés sans trop de regrets. C’était bien
plus pénible d’abandonner Durc, avoua-t-elle avec un regard douloureux.
— Oui, je sais, dit Jondalar en la prenant dans ses bras.
Ce n’est pas cela qui te le rendra, mais pense que la Mère t’accordera
peut-être un autre enfant... un jour prochain... un enfant de mon esprit, avec
un peu de chance.
Ayla ne semblait pas l’entendre.
— Ils prétendaient que Durc était difforme, mais c’était
faux. Il était du Clan, mais il était aussi à moi. Il faisait partie des deux.
Ils ne me trouvaient pas difforme, ils pensaient seulement que j’étais laide. J’étais
plus grande que les hommes du Clan... j’étais trop grande et laide...
— Enfin, Ayla, tu n’es ni trop grande ni laide ! Au
contraire, tu es très belle. Et souviens-toi que ma famille est maintenant la
tienne.
— Avant toi, j’étais seule. A présent j’ai un homme à
aimer, et peut-être un jour aurai-je un enfant pour ton foyer. Cela suffirait à
mon bonheur,
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