Le grand voyage
grimpant sur le dos de Whinney.
— Je ne crois pas que ce soit la même chose, Ayla,
protesta-t-il alors qu’ils quittaient le camp côte à côte. Les chevaux mangent
de l’herbe, pas de la viande, et leur nature les pousse davantage à éviter les
ennuis. En présence d’étrangers, ou d’une menace, ils prennent plutôt la fuite.
Un étalon peut en combattre un autre, ou se défendre en cas d’attaque, mais
Rapide et Whinney fuient les situations dangereuses. Alors que Loup est
toujours sur ses gardes et prêt à se battre.
— Non, il n’est prêt à se battre que pour nous défendre. Si
nous prenions la fuite il nous suivrait. C’est un mangeur de viande et il
pourrait tuer un homme, c’est vrai, mais il ne le fait pas. Je pense qu’il ne
tuerait que pour protéger l’un de nous. Tu sais, les animaux apprennent tout
comme les humains. Ce n’est sûrement pas dans la nature d’un loup de faire
bande avec deux humains et deux chevaux. Même Whinney a appris des choses qu’elle
n’aurait jamais sues si elle était restée parmi les chevaux. Crois-tu qu’il
soit dans la nature d’un cheval d’être ami avec un loup ? Et avec un lion
des cavernes ? Ce n’était pas dans sa nature, tout de même !
— Sans doute pas, concéda Jondalar. Tu ne peux pas imaginer
comme j’étais inquiet quand Bébé s’est montré à la Réunion d’Été et que je t’ai
vue galoper vers lui sur Whinney. Comment savais-tu qu’il vous reconnaîtrait,
toi et Whinney ? Ou que Whinney se souviendrait de lui ?
— Mais Jondalar, ils ont grandi ensemble ! Bébé...
Bébé...
Le mot qu’elle utilisait signifiait « bébé », mais
elle le prononçait avec un ton guttural étrange qui ne ressemblait à aucun
langage que Jondalar connaissait. Il ne pouvait pas reproduire ces sons qui
semblaient émaner des profondeurs de la gorge. C’était l’un des rares mots
oraux du Clan. Ayla l’avait assez répété pour que Jondalar le reconnût, mais
elle traduisait toujours les mots du Clan qu’elle utilisait. Quand Jondalar
parlait du lion qu’elle avait élevé, il employait le nom Zelandonii, trouvant
toutefois incongru d’appeler « bébé » un énorme lion des cavernes.
— … Bébé était... il était tout petit quand je l’ai
recueilli. Il n’était même pas sevré. Un daim l’avait assommé d’un coup de sabot
en fuyant, et il était presque mort. C’est pour ça que sa mère l’avait
abandonné. Whinney aussi le considérait comme un bébé. Elle m’a aidée à prendre
soin de lui... c’était si drôle quand ils ont commencé à jouer ensemble,
surtout quand Bébé voulait attraper la queue de Whinney. Parfois, elle l’agitait
devant son museau exprès. D’autres fois, ils attrapaient chacun l’extrémité d’une
peau et ils tiraient chacun de leur côté. Ils m’en ont massacré des peaux cette
année-là, mais ça me faisait tellement rire !
« Je n’avais jamais appris à rire auparavant,
poursuivit-elle, soudain songeuse. Le Peuple du Clan ignorait le rire. Ils n’aimaient
pas les bruits inutiles, et les sons étaient réservés pour prévenir d’un
danger. La grimace que tu aimes tant et que tu appelles un sourire, ils l’utilisaient
pour montrer leur nervosité, ou dans une attitude défensive. S’ils l’accompagnaient
d’un certain geste, c’était une menace. Ils n’aimaient pas me voir rire, ni
même sourire. Alors, j’ai appris à me contrôler.
Ils chevauchaient le long de la berge, sur une large bande de
graviers.
— Beaucoup de gens sourient par nervosité, ou bien en
présence d’étrangers, remarqua Jondalar. Mais ce n’est pas un réflexe de
défense, ni une menace. A mon avis, on sourit pour montrer qu’on n’a pas peur.
Ils avançaient l’un derrière l’autre. Ayla se pencha sur le côté
pour que sa jument contourne des broussailles bordant un ruisseau qui
serpentait vers la rivière. A la suite de Jondalar, Ayla harnachait sa jument
avec le licol qu’il avait inventé pour guider Rapide. Le licol lui permettait
aussi d’attacher Whinney lorsqu’elle ne voulait pas qu’elle s’éloigne, mais
elle ne s’en servait jamais pour la guider. Ayla n’avait jamais eu l’intention
de dresser Whinney. Elles s’étaient progressivement habituées l’une à l’autre
au point de se comprendre intuitivement. Lorsqu’elle s’était rendu compte que
la jument pouvait obéir à des ordres, fussent-ils inconscients, Ayla avait
commencé à
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