Le grand voyage
mis à gronder, impatient de se ruer sur la
fascinante créature. Mais, comme la plupart des plantigrades de son espèce, le
blaireau, grâce à ses glandes anales, aspergeait ses agresseurs d’un puissant
jet puant et Ayla n’avait nulle envie que le louveteau empestât l’atmosphère
des effluves pestilentiels de sa proie. Mais comment retenir Loup plus
longtemps ? Si le blaireau tardait à sortir de sa cachette, elle devrait
utiliser des moyens plus radicaux pour le déloger.
Les petits yeux du blaireau voyaient mal, néanmoins ils fixaient
l’entrée avec la plus grande attention. Quand elle comprit que l’animal ne
bougerait pas, Ayla détacha la fronde dont elle ceignait son front, et sortit
quelques pierres de la bourse pendue à sa taille. Elle en introduisit une dans
la poche de la fronde, visa les deux points lumineux, et d’un geste vif et
précis, décocha son tir. Un bruit mat claqua, et les deux petites lumières s’éteignirent.
— Je crois que tu l’as eu ! s’écria Jondalar.
Ils patientèrent un peu pour s’assurer que l’animal ne bougeait
plus, puis s’avancèrent et constatèrent avec effarement que le blaireau d’au
moins trois mètres du museau à la queue, écroulé sur le sol avec une blessure
sanglante à la tête, avait saccagé tout ce qu’il avait pu trouver dans l’abri.
Tout était sens dessus dessous ! Le sol de terre battue avait été labouré,
avec des trous çà et là dont certains contenaient les excréments de l’animal.
Les peaux et les fourrures qui recouvraient les litières surélevées étaient
rongées et déchiquetées ; les plumes, la laine ou le foin des paillasses
jonchaient le sol avec des lambeaux de tapis et des boîtes en osier. Le
blaireau avait creusé ses propres entrées dans le mur épais.
— Regarde-moi ça ! s’écria Ayla. Je n’aimerais pas
trouver des dégâts pareils en rentrant chez moi.
— Quand on laisse un abri inoccupé, c’est toujours ce qu’on
risque. La Mère ne protège pas le foyer de Ses autres créatures. Ses enfants
doivent s’adresser directement à l’esprit de l’animal et se défendre seuls
contre les animaux de ce monde. Nous pourrons au moins nettoyer l’endroit un
peu, si nous ne parvenons pas à tout réparer.
— Je vais dépouiller le blaireau et leur laisser la peau,
décida Ayla. Ils sauront qui est responsable des dégâts, et la peau leur sera
toujours utile, conclut-elle en traînant l’animal dehors.
A la lumière du jour, elle remarqua le dos gris avec ses poils
piquants, ceux du dessous plus sombres, et la tête aux rayures blanches et
noires, typique du blaireau. Elle lui fendit la gorge avec une lame de silex
aiguisée et le laissa saigner. Ensuite, elle alla s’asseoir quelques instants
dans l’abri avant d’explorer les autres habitations. Elle essaya d’imaginer le
foyer avec ses habitants, et regretta, un pincement au cœur, qu’ils fussent
partis. La solitude est une chose pesante, se dit-elle en remerciant Jondalar
de sa présence. Elle se sentit tout d’un coup éperdue d’amour pour lui.
Elle porta la main à l’amulette pendue à son cou, en palpa le
contenu et pensa à son totem. Elle ne pensait plus autant à l’esprit protecteur
du Lion des Cavernes. C’était un esprit du Clan, bien que Mamut eût affirmé qu’il
la suivrait toujours. Lorsqu’il parlait du monde des esprits, Jondalar se
référait à la Grande Terre Mère et elle-même songeait davantage à la Mère
depuis l’initiation qu’elle avait reçue de Mamut, même si elle croyait que c’était
son Lion des Cavernes qui avait mené Jondalar jusqu’à elle et qu’elle eût
souvent envie de communiquer avec l’esprit de son totem.
Ayla ferma les yeux et dirigea ses pensées vers son totem en se
servant de l’ancien langage sacré à base de signes que le Clan utilisait pour s’adresser
au monde des esprits, et pour communiquer avec d’autres clans dont le langage
courant différait du leur.
— Grand Esprit du Lion des Cavernes, fit-elle avec ses
mains, cette femme est reconnaissante de l’intérêt qu’on daigne lui accorder,
reconnaissante d’avoir été choisie par le Puissant Lion de Cavernes. Mog-ur
avait coutume de dire à cette femme que même s’il était difficile de vivre avec
un esprit puissant, cela en valait la peine. Mog-Ur avait raison. Malgré les
nombreuses épreuves, les bienfaits ont été à la hauteur des sacrifices. Cette
femme est reconnaissante pour les
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