Le guérisseur et la mort
d’apparence et de comportement nerveux.
— L’évêque m’a convoqué au palais pour me poser toutes sortes de questions. Je ne sais pas quoi faire. Maître Jaume est furieux et, sans mon père, j’aurais déjà perdu ma place.
— Il t’a parlé de moi ?
— Oui. Il voulait tout savoir de toi, où tu vivais, d’où tu venais, comment on s’est connus.
— Et tu connaissais les réponses ?
— Comment l’aurais-je pu, Raimon ? Tu ne m’as jamais confié où tu allais.
— En tout cas, tu sais pourquoi à présent. C’était pour t’éviter des ennuis. Tu sais, Pau, je crois n’avoir rencontré qu’un ou deux hommes capables de mentir. Moi, je ne peux pas. Quand on me pose une question, soit je dis la vérité soit je ne réponds pas. Quand les gens mentent, ils en disent trop, ils parlent trop rapidement et leur regard déborde de sincérité. Il est trop facile de les percer à jour. C’est pourquoi je ne t’ai jamais dit tout ce qui pourrait se révéler dangereux pour ta personne – l’endroit où je me cache quand j’attends que cela se calme, par exemple.
— Je me demande comment tu sais autant de choses, dit Pau. Comment les as-tu apprises ?
— J’observe les gens, lui expliqua Raimon. J’étais très calme quand j’étais petit et j’avais peur des étrangers, alors j’observais tout soigneusement. C’est comme ça qu’on apprend. Ensuite j’ai rencontré des hommes très intelligents, qui m’ont parlé du mensonge comme je viens de le faire. Et je les ai écoutés.
— Pourtant l’évêque croit que je mens, et c’est ce qu’il a dit à maître Jaume.
— Écoute-moi, Pau. Tu n’auras plus besoin de ce travail quand j’aurai mon argent, tu le sais bien.
— Mais pourquoi maître Mordecai te donnerait-il cette fortune ? Elle ne doit pas revenir à son neveu ou à son cousin ?
— Si, mais c’est un peu compliqué. Je ne peux pas te fournir tous les détails parce que cela implique une tierce personne, celle qui est censée récupérer l’argent. Rubèn. C’est lui, le cousin.
— Pourquoi le cousin de Mordecai te donnerait-il ce qui lui revient ? insista Pau. Quelle raison aurait-il ? Ce que je veux dire, c’est que ce n’est pas aussi simple que d’abandonner une telle somme.
— Non, ce n’est pas du tout ainsi. Il s’agit d’une transaction d’affaires des plus ordinaires. Il avait un besoin urgent d’argent et il savait qu’il rentrerait rapidement en possession du sien, alors je lui en ai prêté. Il doit me rembourser sous peu. Nous sommes en contact et il ne vit pas très loin d’ici.
— D’où sors-tu cette richesse ? demanda Pau.
— Je te l’ai déjà dit. Mes parents sont morts.
— Quand Mordecai va-t-il payer ton ami ? Il faut que je le sache.
— La dernière fois que je lui ai parlé, il m’a dit qu’il vaudrait mieux attendre l’issue du procès du faux Rubèn. En a-t-on fini avec lui ?
— Pas encore, fit Pau d’un air sombre. On m’a confié qu’ils attendaient le retour de Daniel, le neveu d’Éphraïm. Il semble qu’il soit allé à Majorque. Il y aurait fait d’intéressantes découvertes.
— Majorque ? C’est loin d’ici. Quand doit-il revenir ?
— Lundi, m’a-t-on dit. Mais deux des gardes qui buvaient dans la taverne de Rodrigue parlaient plutôt de mardi. Ils n’étaient pas contents parce qu’on les avait envoyés partout pour trouver des témoins et maintenant, il leur fallait attendre le retour de Daniel. Les autres témoins seront alors inutiles. Ils auraient pu s’épargner pas mal de travail.
— Je me demande avec qui voyage ce Daniel, dit négligemment Raimon. Il déteste se déplacer seul – l’automne dernier, mon ami est allé avec lui jusqu’à Sant Feliu de Guíxols pour lui tenir compagnie.
— Je n’en sais rien. Il était censé revenir avec la fille de Mordecai et son gendre, mais il n’en a rien fait. Je suppose qu’il est seul cette fois-ci.
— Tout est arrangé, dit Isaac. Son Excellence a donné sa permission et le capitaine s’est chargé de l’organisation. Le garde qui vous ressemble le plus sera vêtu d’une vieille tunique et d’une cape fournies par votre tante Dolsa. Il arrivera par la route de Barcelone. Des hommes seront postés non loin pour intervenir en cas d’agression.
— Et si l’homme que vous voulez capturer me connaît ?
— Comment le pourrait-il ? À moins que je ne me fourvoie, il est
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