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Le Hors Venu

Le Hors Venu

Titel: Le Hors Venu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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intelligente pour ne pas savoir que bientôt un choix terrible se poserait à elle.
    Elle se leva et attrapa son miroir. Dans les moments de doute ou de questionnement, elle aimait chercher sur son visage les traces du sang byzantin qui coulait dans ses veines. Leur noblesse était une réponse, une ligne de conduite. L’arc de ses sourcils, le dessin de ses pommettes et de son nez étaient les indices d’une aristocratie millénaire. Elle était belle comme sa mère l’avait été avant elle et la mère de sa mère aussi. Elle aurait pu devenir femme de prince, elle n’avait été qu’une favorite. Un jour prochain, elle le savait, son sort ne serait ni meilleur ni pire que celui des vieilles qui travaillaient à l’atelier de tissage... Était-ce cela qu’elle désirait ?
    Par faiblesse et par peur, nombre de femmes choisissaient la sécurité et le confort plutôt que l’amour. Serait-elle de celles-là ? Trahirait-elle Gamaliel pour profiter jusqu’au bout de l’abri et de la richesse du harem ? L’aimait-elle plus que ces bijoux et ces soieries ? Plus que cette vie-là ?
    — À quoi penses-tu ? demanda son amant.
    — À rien, mon aimé, repose-toi et prends des forces. Je reviendrai bientôt.
    Elle glissa des bracelets d’or à ses poignets et à ses chevilles, piqua de nouvelles perles dans ses cheveux. Enfin, elle souligna ses yeux d’un trait de khôl et sortit.

 
    ELEONOR DE FIERVILLE

 
    22
    L’émir Khalil avait conduit Hugues et Tancrède vers une salle au sol recouvert de tapis et de coussins. Il y faisait étonnamment frais et ce dernier s’en étonna.
    — Toutes les grandes maisons ont une pièce à l’abri des vents chauds de l’été, lui expliqua Hugues, c’est pour cela que les Siciliens la nomment la « chambre du sirocco ».
    Sur des tables basses étaient disposés des plats emplis d’oranges et des aiguières d’argent et de cuivre. Un minuscule renard comme jamais Tancrède n’en avait vu, avec de longues oreilles et un pelage d’une blancheur de neige, sortit de derrière les coussins et courut se dissimuler dans l’ombre d’une vasque où flottaient des pétales de rose. Très craintif, il les observait, mais se gardait d’approcher.
    — C’est un renard du désert, il n’est pas encore habitué à vous. Asseyez-vous, les invita Khalil en prenant place sur l’un des coussins.
    Il frappa dans ses mains et, aussitôt, un serviteur apparut. Le renard en profita pour s’enfuir vers le jardin intérieur.
    — Apporte-nous quelques douceurs ! ordonna l’émir.
    Le serviteur s’inclina et ressortit. Khalil se tourna vers Hugues.
    — Cela fait quinze ans, n’est-ce pas ? Quinze ans que tu as quitté la Sicile et que nous ne nous sommes vus. Allah me pardonne, mon ami, mais depuis ton départ, le royaume normand a changé. Et beaucoup de nos amis sont morts.
    — Je sais... Du moins pour quelques-uns, mais rends-moi service, raconte-moi ce que mes yeux n’ont pas vu ni mes oreilles entendu. Nous sommes partis, Tancrède et moi, en 1140...
    Le regard de l’émir se tourna vers le Normand.
    — Vous deviez être bien jeune alors... C’était l’année du mariage de notre duc avec Élisabeth de Champagne...
    A ces mots, le visage d’Hugues resta impassible, pourtant ses mains se crispèrent. Il n’aurait jamais cru qu’au moindre mot, à la moindre évocation, autant d’images l’assailliraient.
    Il se souvenait du moment précis où le duc lui avait confié Tancrède et de l’affection immédiate qu’il avait éprouvée pour le petit garçon. C’était dans la citadelle d’Anaor, le fief de Tancrède.
    — Je n’ai confiance qu’en toi, tu le sais, avait dit le duc. Je veux que tu quittes la Sicile pour la France. Un ami t’accueillera à Marseille. Fais l’éducation de Tancrède, il ne peut avoir de meilleur maître que toi, et ne le raccompagne ici que le jour de ses vingt ans. Donne-moi ta parole.
    — Vous l’avez, messire ! Mais pourquoi le conduire si loin ? avait protesté Hugues. Je connais bien des lieux où nul ne viendrait le chercher.
    — Tu sais que, tout comme mon père, j’ai de nombreux ennemis. Certains, même au sein de ma famille, sont prêts à tout pour m’empêcher de lui succéder et depuis l’annonce de cette alliance avec la maison de Champagne, la situation s’est encore dégradée.
    Hugues avait essayé de discuter, mais le jeune duc était resté intraitable.
    — Sa vie est en danger,

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