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Le Hors Venu

Le Hors Venu

Titel: Le Hors Venu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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l’émir.
    — Pardon. Je ne comprends pas...
    — Moi, je me comprends, messire d’Anaor. Où étiez-vous la nuit dernière ?
    Hugues, qui n’avait pas prévu que l’entretien prenne cette tournure, toussa afin d’avertir Tancrède d’avoir à se méfier.
    — Là où l’officier de votre Légion est venu nous chercher : chez l’émir Khalil, répondit prudemment le jeune homme, peu habitué aux joutes verbales.
    — L’émir était jadis un chef de guerre plein de talent, il serait dommage qu’il perde les privilèges accordés par le roi.
    Cette fois, Hugues intervint :
    — Que voulez-vous dire ?
    — Ah, messire de Tarse, je me demandais quand vous viendriez au secours de votre protégé. Je veux dire qu’il serait dommage que je fasse jeter Khalil en prison. À cause de vous.
    Le visage d’Hugues se ferma. Tancrède comprit que le duel entre les deux hommes s’engageait. Un duel dont il commençait à croire qu’il était l’enjeu.
    — Je ne saisis pas vos propos, émir des émirs. Sommes-nous accusés de quelque chose que nous ignorons ?
    — Jouez-vous aux eschets, messire ?
    — Cela m’arrive.
    — Nous avons ici un maître arabe, Al-Razi.
    — Il porte le nom d’un illustre devancier.
    — Le maître de L’Élégance du shatranj , oui. Quelle phase préférez-vous ?
    — L’awa’el al-dusut , l’ouverture, répondit Hugues sans hésiter. Sans une bonne ouverture, la partie est perdue.
    — C’est juste. Et la vôtre, croyez-moi, est bien mal engagée. Que faites-vous à Palerme ? Quel est votre but à tous les deux ?
    — Messire d’Anaor vient de vous répondre, je crois ? Il désire faire allégeance à son roi puis, s’il en a la permission, il aimerait se rendre au château que lui a légué son père, le duc de Pouilles.
    — Son père, son père...
    — Tancrède d’Anaor possède tous les documents prouvant sa filiation more danico . Il est sans conteste l’aîné du duc.
    — L’Église n’aime guère ces unions, vous le savez, fit l’émir d’un ton sentencieux.
    — Mais vous êtes tout sauf un homme d’Église et je crois me souvenir que, comme moi, vous aviez quelque amitié pour le duc de Pouilles.
    — C’est vrai, reconnut Maion. Mais il ne suffit pas d’être son fils pour être le bienvenu ici.
    Se tournant vers Tancrède :
    — Vous n’êtes pas sans savoir que votre demi-frère Tancrède de Lecce est depuis un moment l’hôte de la prison royale. Une prison dont on ne ressort que rarement.
    Le jeune homme essaya de dissimuler son étonnement.
    — Non, je ne le savais pas, répondit-il.
    — Nous sommes arrivés depuis peu, je vous le rappelle, et Tancrède n’a guère eu l’occasion de faire des rencontres. Le seul lien qu’il ait ici est le duc Ruggero Sinibaldo di Quisquina e delle Rose.
    Ce qu’Hugues ne précisa pas, c’est qu’à aucun moment ils n’avaient eu le temps de le rencontrer et que le seul lien entre Ruggero et eux était le message qu’il lui avait fait parvenir la veille au soir.
    L’adversaire, songea l’émir, avait avancé une pièce maîtresse sur l’échiquier.
    — Les Sinibaldi... Vous êtes un homme habile, messire. C’est une des rares familles normandes en grâce auprès du roi et... de la reine.
    — J’ai gardé de nombreux amis à Palerme, mentit Hugues dont, après ces quinze ans d’éloignement, les relations n’étaient pas si considérables. Mais pour revenir au duc, il n’y a pas d’habileté là-dedans, il aimait le père de Tancrède et son souhait de prendre soin de lui et de le présenter à son roi est légitime.
    Le jeune Normand ne put s’empêcher une fois de plus d’admirer la façon dont son maître avait retourné la situation à son avantage. C’était comme aux eschets, les coups se succédaient et, pour l’instant, grâce à l’adresse d’Hugues, Maion de Bari ne semblait plus si sûr de lui. Pourtant, il marmonna :
    — La parade n’est pas suffisante.
    Il jeta un parchemin sur la table.
    — Que pensez-vous de ceci, messire ?
    Hugues se garda de saisir le papier. Il y avait dans les tours et les détours que faisait l’émir quelque chose qui lui échappait. Pour ne pas perdre l’avantage, il contre-attaqua avec vivacité :
    — Je pense que j’ai plaisir à jouer avec vous, émir des émirs, mais que j’aimerais savoir quelles sont les pièces dont je dispose. Venez-en aux faits. Tancrède est loyal, je le suis

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