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Le Hors Venu

Le Hors Venu

Titel: Le Hors Venu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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pas décidé du maître capitaine retentissait à nouveau sur le dallage. L’officier parut bientôt, escorté d’un personnage singulier.
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    Fils d’Esclavon, garçon intelligent et obstiné, Pierre avait été castré par sa famille le jour de ses six ans et confié aux eunuques du palais. Les années avaient passé et le jeune fityan était devenu le caïd Pierre, un personnage puissant, à la fois chef des eunuques et influent personnage politique. Au physique, il était gras et lourd et son corps était couvert de bijoux : un collier autour de son cou épais, des bagues à ses doigts boudinés, une ceinture rehaussée de pierreries autour de la taille et des bracelets à ses chevilles et à ses poignets. Tout cela faisait du bruit quand il se déplaçait, avertissant tout un chacun que le chef des eunuques arrivait. Comme les autres fityan , il était vêtu du traditionnel pantalon de soie jaune et d’un gilet brodé s’ouvrant sur son énorme ventre.
    Hugues ne se rappela pas l’avoir déjà rencontré. L’homme était jeune et ne devait pas occuper une place aussi éminente quand il avait quitté la Sicile.
    — Bonjour, messires, fit Pierre d’une voix qui aurait mieux convenu à un enfant qu’à un homme de sa corpulence et de son âge. Vous avez demandé à me voir.
    Hugues s’était levé et le salua fort courtoisement, Tancrède fit de même. Après les présentations et salutations d’usage dont le caïd était friand, il les invita à le suivre.
    — Nous serons mieux chez moi, dans le harem.
    Quelques instants et quelques portes plus tard, les deux hommes et l’officier pénétraient dans l’enceinte du harem. En fait, un vaste corridor par où les serviteurs apportaient la nourriture aux femmes.
    Tancrède, qui s’attendait à quelque vision de rêve, en fut pour ses frais. C’était un couloir comme les autres, et même plutôt moins beau que les autres avec ses murs blanchis à la chaux. Le caïd ouvrit une porte conduisant à ses appartements, puis s’affala en soupirant d’aise sur un amas de coussins.
    — Prenez place, je vous prie, dit-il en désignant d’énormes poufs aux tissus bariolés.
    Sur une table basse, dans une coupelle, étaient disposés des amandes et des pignons de pin que Tancrède regarda avec envie, songeant avec regret au fort lointain petit déjeuner préparé par Sélim.
    Ils étaient à peine assis qu’une esclave apparut.
    — Un peu de zamù vous plairait-il ? demanda le caïd.
    — Volontiers, dit Hugues.
    La femme réapparut bientôt et ce qu’elle apportait réjouit la vue de Tancrède qui réalisa soudain qu’il avait une faim de loup. Elle déposa devant eux des foccacia cu ‘meuza et des stigghioli , des pains fourrés de pancréas frit et des brochettes de tripes de cabri, servit l’alcool d’anis coupé d’eau fraîche à tout le monde, et ressortit aussi discrètement qu’elle était entrée.
    — Allez, allez, servez-vous ! fit l’eunuque en dévorant l’une des brochettes qu’il arrosa copieusement de zamù.
    — Je sais que l’heure du déjeuner est loin, s’excusa Pierre, mais j’ai toujours faim à cette heure-ci. Ce qui ne m’empêchera pas de manger à nouveau ce soir. Allez, faites-moi plaisir !
    Tout en bénissant intérieurement les habitudes de leur hôte, Tancrède attrapa une brochette dégoulinante de graisse. L’odeur des stigghioli était nauséabonde, mais leur goût était délicieux. Hugues et Simon avaient saisi des pains fourrés.
    Le caïd dégustait ces mets populaires avec vénération, les regardant du coin de l’œil. Enfin, il se lava les mains dans une vasque apportée par son esclave, la tendit à ses invités et demanda :
    — Qu’attendez-vous de moi, messires ?
    — On m’a parlé de vous, sire caïd, de votre discernement et de votre sagesse, répondit Hugues. C’est cela que j’attends.
    Loin de songer qu’il y avait là quelque flatterie, le caïd se rengorgea et frotta avec satisfaction ses doigts boudinés l’un contre l’autre.
    Le maître capitaine ne disait rien, trop heureux de ne plus être la cible des questions du redoutable Gréco-Syrien.
    — Paix à son âme, poursuivit Hugues. Un eunuque a été tué qui était de votre famille, je crois ?
    — Dieu est grand. Oui, c’était mon cousin Philippe.
    La voix de Pierre tremblait.
    — Vous avez vu le corps ?
    Le caïd ne répondit pas. Il semblait plus touché qu’il ne voulait l’avouer par la mort

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