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Le Hors Venu

Le Hors Venu

Titel: Le Hors Venu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Viviane Moore
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corridors étroits et sombres sur lesquels s’ouvraient des dizaines de portes munies de guichets. Un gros rat passa entre leurs jambes que l’officier chassa d’un coup de pied rageur. Ils traversèrent une pièce dont la moitié formait une vaste cage au fond de laquelle étaient recroquevillés des êtres hirsutes et en haillons.
    Puis ils poussèrent la porte de la salle des gardes où des soldats, sales et harassés, étaient affalés à boire et à jouer aux dés. Ils se dressèrent d’un bond à l’apparition du maître capitaine. Le lieu était aussi sinistre que le reste, la table et ses grossiers escabeaux, la vaisselle ébréchée dans laquelle des morceaux de graisse surnageaient au-dessus d’un bouillon grisâtre, les lits de camp où devait grouiller la vermine, le tout éclairé par la lueur parcimonieuse d’un soupirail.
    — Où est le sergent ? gueula Simon.
    — Dans la Salle, maître capitaine, répondit l’un des hommes.
    De la façon dont le soldat avait prononcé ce nom, la Salle était un endroit à part.
    — Suivez-moi ! ordonna Simon en les entraînant plus avant.
    Il semblait connaître les lieux par cœur et malgré l’absence, ici et là, de torche, prenait sans hésitation les couloirs qui l’intéressaient. Les cris se faisaient de plus en plus aigus. Tancrède sentit son cœur cogner dans sa poitrine. Il pressentait ce vers quoi ils marchaient d’un bon pas mais se refusait à y penser.
    Enfin, il sut ce qu’était la Salle, ou du moins le crut-il. Ils pénétrèrent dans une vaste pièce éclairée par des flambeaux. Des chaînes au mur, des braseros, partout de singuliers appareils de métal dont il ne voulait imaginer la fonction. Des hommes en tabliers de cuir souillés de taches brunâtres, leurs aides torse nu, ruisselants de sueur. Mais surtout, attachés aux parois, des détenus.
    L’un d’eux, gémissant, ficelé sur une table, les yeux couverts d’un bandeau sanglant, des moignons à la place des mains. Un autre, le buste couvert de plaies et de brûlures, la tête sur la poitrine, inconscient. Un troisième, et c’était celui qui hurlait, subissait le supplice du feu. Le bourreau lui appliquait un fer rougi sur le torse.
    — Ceci n’est pas la Salle, n’est-ce pas ? remarqua calmement Hugues. Et je ne vois là que des bourreaux et leurs aides, mais aucun sergent.
    Le maître capitaine parut surpris. Il ne pouvait savoir que le Gréco-Syrien connaissait la prison mieux que lui-même.
    Hugues insista :
    — Je suppose que Maion de Bari vous a suggéré de nous faire passer par là ?
    — Il m’a demandé de vous conduire ici, mais c’était pour que vous voyiez ces hommes. Celui-là...
    Il montrait l’homme aux moignons.
    — ... c’est Robert de Loritello. Et celui-là...
    Il désignait le détenu inconscient attaché au mur. Pendant un bref et terrible instant, Tancrède se demanda qui ils allaient découvrir là. Puis, il pensa à ce demi-frère inconnu qui, peut-être, gisait devant lui. Dans ce lieu d’enfer, toutes les horreurs devenaient possibles.
    Simon saisit le supplicié par les cheveux et releva sa tête. Le visage était méconnaissable, couvert de sang et de croûtes séchées. À la place des yeux, il n’y avait plus que deux orbites noires.
    — Un des chefs de la rébellion : Robert de Capoue. Capturé dans les Pouilles, ramené ici par notre roi. Il nous a suppliés de l’épargner et il gémissait comme un enfant quand on lui a crevé les yeux.
    — Qui ne gémirait sous le fer du bourreau ? rétorqua Hugues d’un ton sec.
    Le maître capitaine s’était tourné vers l’autre supplicié. Il fit signe à l’exécuteur de s’arrêter, celui-ci enfonça la pointe de sa lame dans le brasero et attendit, les bras croisés.
    Le regard de Tancrède croisa celui du condamné qui hurla :
    — Tuez-moi ! Par Dieu, messire, tuez-moi !
    — Celui-là, c’était leur chef à tous. Geoffroi de Montescaglioso. Il finira les yeux crevés, lui aussi, et la langue coupée.
    Le bourreau avait laissé le métal passer au rouge. Sur un geste de Simon, il le saisit de son gant de cuir puis se tourna lentement vers le condamné qui hurla.
    Ce n’était pas tant l’odeur de chair brûlée que son impuissance à empêcher tout cela qui donna la nausée à Tancrède. Il se détourna et, plié en deux, vomit contre le mur.
    La voix d’Hugues le ramena à lui.
    — Venez, Tancrède ! Sortons d’ici.
    Le jeune homme le suivit

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