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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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néant revienne l’engouffrer.
    Un beau matin, les rayons du soleil caressèrent son visage. Le brouillard se dissipa tout doucement. Louis reprit conscience de lui-même, de son corps, de l’endroit où il se trouvait. C’était trop à la fois : cela lui donna un peu de vertige. Il tourna la tête. Une fenêtre aux volets ouverts béait sur un jardinet en fleurs. Au bord de la croisée, une jolie petite plante jaune, tout imprégnée de soleil, poussait courageusement dans une fente de la pierre, palpitant sous la brise tiède. Il tourna de nouveau la tête. Il était seul dans une chambrette aux murs chaulés de frais. Une porte fermée, un banc, un coffre faisant office de table de chevet. Sur ce coffre, des fioles et une chandelle dans son bougeoir. Tout était propre et clair. La première impression qu’il ressentit fut de profond bien-être.
    Une autre impression, plutôt discrète, commença par susciter de l’inquiétude en lui : il constata qu’il était incapable de bouger. Ses bras et ses jambes étaient lourds ; ils refusaient de lui obéir. Il lui fallut un certain temps avant de réaliser qu’il était solidement attaché à son lit, mais qu’on avait fait en sorte d’utiliser des liens en tissu dont le contact sur la peau ne causait pas le moindre malaise. Ce qui le ramena à cette couche dans laquelle il reposait : il s’agissait d’un moelleux matelas de plumes. On l’avait en outre couvert d’un drap frais ainsi que d’un édredon rembourré. Le carreau sous sa tête était bombé et confortable. Il se sentait vêtu d’une tunique légère. Tout cela sentait bon et le propre. Une odeur maternelle de tilleul au miel flottait dans l’air, de même que celle, plus ancienne peut-être, des plantes aromatiques dont on avait dû faire des fumigations contre les épidémies. Il crut effectivement reconnaître le parfum caractéristique des fleurs d’encens, de l’hysope et de la marjolaine.
    *
    Les deux femmes et le garçon se trouvaient à Melun, à mi-chemin entre Fontainebleau et Saint-Germain-des-Prés, lorsque frère Pierre était enfin parvenu à les rejoindre. Les Pénitents n’avaient pu trop s’éloigner de Paris, à cause de la lenteur imposée par leurs processions, de la faiblesse grandissante de leurs prisonniers et de leurs arrêts fréquents. Pierre avait prodigué à Louis quelques soins de stricte nécessité. Ils avaient ensuite poursuivi leur route jusqu’au monastère sous la pluie battante, où le trio avait confié la civière aux moines qui avaient été prévenus par le frère tourier.
    Il était très touché. On se hâta de l’étendre sur une table et de le dévêtir afin que l’infirmier pût l’examiner. Tout de suite, Louis se raidit et poussa un hurlement désespéré. Son corps, arqué d’une façon surnaturelle, terrifiante, retomba et fut secoué d’affreux spasmes rythmiques, si violents que l’infirmier dut le retenir pour l’empêcher de tomber de la table. L’agonisant était pourvu d’une force physique surhumaine. Ses paupières mi-closes laissaient entrevoir des yeux blancs, et ses mâchoires serrées à outrance lui scellaient la bouche. De l’écume blanche se mit à couler à la commissure de ses lèvres, alors que de sourds grognements s’échappaient de sa gorge.
    Louis était atteint de haut mal*.
    La première nuit, il n’eut pas moins de soixante-dix accès de convulsions. Il n’avait pas le temps de reprendre conscience entre deux crises.
    — Il est au plus mal, annonça l’infirmier à l’abbé durant la première nuit. Je ne peux rien faire. Si cela continue, son cœur ne tiendra pas le coup.
    Il ne put que lui prodiguer les soins les plus urgents. Les crises étaient si sévères que Louis se souilla à plusieurs reprises.
    L’un des moines s’offrit pour le veiller une partie de la nuit.
    Au moment où toutes ces calamités s’étaient abattues sur les populations, les gens avaient oublié la peste. On n’avait plus vu sévir d’épidémie depuis très longtemps. Or voilà que la maladie était revenue en force, cette année-là, et qu’elle entraînait avec elle une suite de malheurs que nul n’avait pu prévoir. Peut-être était-ce là le châtiment mérité par l’arrogance des hommes. Lionel ignorait tout de l’ampleur des dommages subis par cet extérieur désormais inconnu de lui et duquel ce pauvre garçon avait été arraché. Il savait seulement que la présence du démon s’y manifestait

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