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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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cinquante-cinq lieues à l’ouest de Paris. C’était l’un des joyaux les plus remarquables de France. On disait même Caen plus grande que Londres. Des richesses jadis volées à l’Angleterre par Guillaume le Conquérant en avaient étayé le prestige. À chaque extrémité de la ville, hérissée de clochers et de tours et protégée par ses remparts en pierre claire, une abbaye veillait. Un château se dressait au nord. Comme partout ailleurs, la cité avait débordé de ses murs. Cependant, au lieu de s’appuyer frileusement le long des remparts, les belles habitations plus récentes étaient construites sur une île basse qui s’étendait au sud de la vieille ville. Formée par un enchevêtrement d’affluents qui se jetaient dans les deux rivières principales qui passaient tout près ; cette île nommée Saint-Jean n’avait nul besoin de murs. Tous les bateaux de la ville, tels des greffons avides, venaient s’amarrer aux quais construits sur sa berge, en face du mur. Car sur l’île s’était développé le quartier riche de Caen. On y trouvait comme au faubourg Saint-Germain de vastes jardins, de grandes demeures ainsi que des avenues bien droites. La vieille ville, quant à elle, déployait son labyrinthe de rues étroites se faufilant entre des maisons exiguës dont les encorbellements plongeaient certains endroits dans un simulacre de nuit permanente. L’abbaye aux Hommes était entourée de ses propres remparts qui rejoignaient ceux de la ville. Le corps de Guillaume y avait jadis séjourné à l’air libre un certain temps. En matière d’éducation, les habitants de Caen égalaient ceux de Paris. La beauté et le raffinement des deux villes avaient de quoi attiser la convoitise d’un roi.
    *
    — Qui est-ce ? Un clerc ? demanda une mégère à sa voisine de kiosque.
    — Aucune idée. Je ne crois pas, puisqu’il a une épée. Ce que je sais, en revanche, c’est qu’il n’a pas l’air commode. C’est pas moi qui vais m’enquérir de son nom.
    Le regard de tous les marchands se fixait sur l’homme qui avançait au centre d’une bonne escorte tel un personnage de marque. L’individu était ceint d’une large épée et possédait aussi une dague. Sa main serrait une étrange canne rouge à pommeau sphérique. Il était entièrement vêtu de noir, exception faite de ses bottes en feutre et de sa ceinture d’armes en cuir qui, elles, étaient d’un rouge sombre. Il portait un chaperon des plus simples et son cou était emprisonné dans un haut col fermé par une fibule* d’étain à peine visible. Sa mise lui donnait une allure à la fois élégante et menaçante. Le noir, par nature, inspire une crainte instinctive : il absorbe toute lumière. L’homme en semblait conscient. Peut-être portait-il du noir pour cette raison précise.
    Les badauds s’écartèrent et lui ouvrirent involontairement un passage afin de mieux l’examiner. Lui aussi jetait un coup d’œil circulaire aux kiosques qui l’entouraient. Soudain, il pointa quelqu’un du doigt.
    — Là. C’est celui qu’il me faut, dit-il aux gardes de son escorte.
    — Mais c’est un boulanger, dit l’un d’eux.
    — Je sais, et alors ? Moi aussi j’en étais un, dans le temps.
    — Ça va faire des histoires.
    Deux des gardes s’avancèrent en direction du boulanger qui, interloqué, commençait déjà à protester en reculant vers la porte de son échoppe.
    — Hé là, bas les pattes ! Qu’est-ce que vous me voulez ? Je n’ai rien fait. Je suis un marchand honnête, moi. D’abord, qui est-ce ? L’un des gardes répondit :
    — Ordre du gouverneur. Vos services sont réquisitionnés pour un moment. Vous allez suivre l’exécuteur que voici et demeurer à sa disposition le temps qu’il faudra. Aucun refus n’est recevable.
    — Quoi ? L’exécuteur ? Ah non. Ah non, il est hors de question d’aller me mettre sous les ordres de cette crapule endimanchée. Je tiens à ma réputation, tout de même.
    Tous les habitants avaient entendu parler de la création de ce nouvel office et des dépenses considérables qui en avaient résulté pour la guilde des commerçants, mais nul n’avait encore vu le bourreau en personne. Seule une charte le concernant, lui, ainsi que les droits attachés à son état, avait été placardée et criée en ville un mois plus tôt.
    L’homme en noir croisa les bras et attendit. Le garde répliqua :
    — Ce garçon n’est pas une crapule, mais notre nouvel

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