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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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jusqu’à un seuil où il se laissa choir lourdement. À la vue du bourreau, il ramassa sa grande langue et grogna sans conviction. Louis ne parut même pas le remarquer. Il passa son chemin en goûtant d’avance l’orage qui fomentait son courroux depuis la fin de l’avant-midi.
    *
    — Mais c’est un vieillard ! s’indigna Desdémone lorsque Baillehache vint lui annoncer la nouvelle.
    — Un vieillard coriace. Mais il a avoué.
    — Oh ! mon Dieu.
    Elle, mieux que quiconque, savait qu’un tourmenteur se souciait rarement de l’âge de sa victime. Ses regrets l’avaient suivie jusque dans le fond de son cachot où, tels des cafards invisibles, ils avaient besogné jour et nuit. Dieu avait décidé qu’il était temps pour elle de rendre des comptes. Si elle avait accepté son sort avec résignation, elle était tout de même parvenue à faire de sa prostitution forcée, d’abord avec Firmin, ensuite avec ses geôliers, une sorte de martyre édifiant.
    — Emmenez-moi avec vous ce soir, se hasarda-t-elle à demander.
    — Sûrement pas. De toute façon il y a encore du boulot qui t’attend ici. Les gens de prison sont des solitaires insatiables.
    — Mon maître va mourir et vous… ! Vous vous occupez de vendre mon cul au plus offrant ? Vous êtes odieux !
    — Ton maître, c’est moi. Et cesse donc de te plaindre. D’après ce que j’ai su, tu as l’air d’apprécier cela autant qu’eux.
    — Et vous ? Pourquoi ne venez-vous pas coucher avec moi au lieu de m’envoyer vos copains ? L’autre bourreau est marié, lui. C’est quoi au juste, votre problème ? Ce que vous avez entre les jambes n’est pas à la hauteur du reste, c’est ça ?
    — Mon problème, c’est toi. Que veux-tu. Il y a des putains qui me fichent une envie de vomir. Bonne nuit.
    — Salaud ! Salaud !
    En quelques mots, il avait tout détruit. La porte du cachot se referma sur des cris hystériques et des coups de griffe contre l’homme à la cagoule qui avait pris soin de se tenir hors de portée.
    *
    « La Cour déclare le boulanger Firmin Ruest dûment coupable du crime très méchant, très abominable et très détestable de haute trahison à l’encontre de Sa Majesté pour avoir fourni secours et pain aux Jacques Bonhomme ; et, en conséquence, pour réparation condamne ledit Ruest à faire amende honorable devant la principale église de Paris, où il sera mené en charrette, vêtu seulement d’une chemise, la corde au cou et tenant une chandelle d’un poids de deux livres ; là, sur ses genoux, il devra dire et déclarer qu’il a commis ce crime très mauvais, très abominable et très détestable pour lequel il devra se repentir et demander pardon à Dieu, au Roi et à la Justice ; la Cour ordonne qu’il soit ensuite ramené du lieu d’où il est venu et, de là, être traîné sur une claie jusqu’au lieu d’exécution, sis en place de Grève et, sur un échafaud dressé dans ce but, qu’il soit pendu par le cou et, toujours vivant, redescendu ; qu’il soit écorché vif ; que ses parties intimes soient sectionnées pour démontrer qu’un traître aussi vil et abject soit désormais privé de descendance ; qu’il ait les bras, jambes, cuisses et reins rompus vifs, et qu’il soit laissé mourant à la vue de la bonne gent de Paris qui en tirera leçon, tant et si longtemps qu’il plaise à Notre-Seigneur de l’y laisser ; qu’enfin, à son trépas, sa tête soit séparée de son corps, pour que le Roi en dispose à sa guise. En outre, la Cour ordonne que ses propriétés lui soient confisquées au profit du Roi, qui en disposera selon sa volonté. Et que le Dieu de miséricorde ait pitié de son âme {180} . »
    Chacun des mots de l’horrible sentence résonnait encore aux oreilles de Clémence et de Hugues. Ce dernier dit, tout bas :
    — Je sais bien que c’est contraire aux usages, mais que veux-tu que je te dise ? La corporation refuse de le défendre et de risquer ainsi de se compromettre en se portant garante pour lui. C’est trop grave. Des collègues l’ont prévenu, pourtant, et pas rien qu’une fois. Aussi bien se faire une raison : le mal est fait.
    Ils se terraient autour de la table avec les enfants, dans l’atmosphère confinée de leur pièce à vivre. Tous les volets étaient fermés. Les petits n’osaient pas dire un mot. Quelque chose de grave s’était produit et ils se doutaient bien que cela concernait le Papy qui était parti depuis si

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