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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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brusquement interrompue par l’orage. Depuis le matin, presque toute la ville avait reflué en direction de l’île de la Cité en vue des solennités de la fête qui avaient demandé plusieurs jours de préparation.
    À l’abbaye, Louis perdit plusieurs précieuses minutes à tirer en vain la corde d’une clochette et à frapper à la grille d’un portail qui demeura cruellement fermée. Un seul moine traversa la cour sans bruit entre des rideaux de pluie qui rendaient sa silhouette imprécise. Il ne daigna même pas s’arrêter. Quant au vieux frère tourier, il avait su profiter de l’absence du prieur et du cellérier pour s’enivrer au vin de cerise ; il s’était donc profondément endormi dans son cagibi.
    Les poings ensanglantés par les coups assenés à la porte, le garçon se précipita en direction du pont à travers des rues où il ne rencontra pas âme qui vive. Ses pas résonnaient sur les pavés comme dans de longs couloirs impeccables et déserts.
    Sur l’île, la procession démantelée par l’orage avait commencé à semer des marcheurs hâtifs qui s’en retournaient chez eux, la tête rentrée dans les épaules. Un homme trempé, en route vers l’abattoir avec ses deux bœufs, fustigeait les bêtes qui s’étaient agenouillées devant l’église et refusaient d’avancer. Quelque part au-dessus d’un groupe plus nombreux qui avait trouvé refuge sur le parvis de Notre-Dame, un ostensoir tanguait comme un petit soleil défiant les foudres célestes. Louis parvint tant bien que mal à se faufiler parmi les fidèles qui persistaient à braver avec lui le mauvais temps. Il y avait parmi eux des hommes d’Église. L’enfant allait forcément dénicher l’un de ceux qui, quotidiennement, prodiguaient des soins aux malades incapables de se rendre à l’Hôtel-Dieu. Mais, ce jour-là, nul d’entre eux n’était disposé à se faire déranger par un petit garçon affolé. Louis entreprit donc de grimper l’escalier menant à l’une des salles réservées aux malades. L’angoisse provoquée par les murs étroits était cette fois remplacée par une nouvelle forme d’oppression, bien pire, celle-là.
    — Eh là ! Où crois-tu que tu t’en vas comme ça, petit ? demanda en l’interceptant une vieille religieuse hospitalière aussi sèche qu’un pruneau.
    Incapable de reprendre son souffle à cause d’un point au côté qu’il tenta d’apaiser en y plaquant une main, Louis annonça, d’une voix saccadée :
    — Le feu chez nous. C’est Mère. S’il vous plaît…
    — Le feu ? Tu t’es trompé d’endroit pour quérir de l’aide…
    — Non, pas ce feu-là. Ma mère est malade !
    — Ne m’interromps pas, petit insolent. Pour qui te prends-tu ? Je sais bien de quel feu tu parles. Et d’abord, qui es-tu ?
    — Ruest. Vite…
    — Ruest, dis-tu ? Ce nom-là me dit quelque chose. N’es-tu pas le fils de cet excellent boulanger qui habite en rive gauche ? Si ? Ah, il me semblait aussi. J’ai beaucoup entendu parler de ce frère, qui… Enfin bref, trêve de bavardages. Amène-moi ta mère ici.
    Louis se retint de foncer tête première dans le ventre de la vieille infirmière. Et dire qu’on le traitait, lui, d’esprit lent ! Il cria, hystérique :
    — Quoi ? L’amener ici ! Je ne peux pas.
    Louis leva les poings à hauteur de sa propre tête et les serra en grinçant des dents, impuissance et rage au cœur. Un flot de larmes brûlantes jaillirent d’entre ses paupières closes. Il parvint à expliquer, à travers ses mâchoires serrées :
    — Elle est à terre et toute bizarre. Elletremble fort.
    La religieuse s’adoucit soudain.
    — Sainte Mère de Dieu. Et c’est arrivé comme ça, d’un coup ? Tu ne le sais pas ? Bon, écoute, écoute-moi bien, mon petit : je sais de quoi tu parles. Je voudrais bien pouvoir t’aider. Mais il se trouve qu’aujourd’hui je suis seule ici pour garder tous ces malades. Je ne fais qu’assister le frère lai qui veille habituellement sur eux. Tu vois bien que je ne peux point m’absenter. Tu comprends cela, n’est-ce pas ? Il eût fallu que tu ailles, je ne sais pas, moi, à Saint-Germain-des-Prés…
    — J’y suis déjà allé. Il n’y a personne là-bas.
    — Tu n’as pas pensé aux cordeliers ? Eux aussi, ils sont tout près de chez toi.
    — Ce n’est pas le bon jour et il n’y a plus d’argent à la maison.
    — Alors, il te reste l’Hôtel-Dieu, mon petit. C’est juste à

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