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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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d’admirer chez lui les gestes sûrs et rapides de l’artisan. Ce fut sans doute la raison qui lui donna envie de rétablir entre eux la rivalité sans laquelle il se sentait diminué :
    — L’Odile ne t’aime pas, tu sais.
    Ces derniers mois, la belle-mère de Louis avait entrepris agressivement de le dénigrer. Elle n’hésitait pas à mettre sur son compte plusieurs méfaits commis par d’autres voyous et dont elle avait entendu le récit : feux de granges, poulets volés et autres crimes du même genre. Firmin avait plus ou moins accordé d’attention à ces ragots ; il les avait mis sur le compte de la jalousie. L’adolescent demanda :
    — Dois-je en être marri ?
    — Eh bien, je suppose… Faut dire que tu ne l’aides guère.
    — Je n’en vois pas l’intérêt. C’est votre femme, pas la mienne.
    L’adolescent n’interrompait pas son travail pour bavarder, ni ne semblait se laisser distraire par les émotions qui, en d’autres circonstances, lui auraient peut-être fait brandir sa pelle à enfourner au-dessus de la tête de Firmin. Cette concentration était une autre grande qualité décelable chez le futur boulanger. Le maître décida d’en profiter pour s’amuser à ses dépens tout en évaluant ce trait de caractère :
    — À propos, ne trouves-tu pas qu’il est temps de te trouver une jouvencelle ? Moi, à quatorze ans, j’en avais déjà défloré au moins une demi-douzaine, et pas des plus moches.
    Louis s’abstint de répondre. Mais Firmin eut un rire paillard lorsqu’il vit sur les joues de son fils une rougeur qui n’y était pas auparavant et dont le four n’était pas responsable.
    — Sacré nom de Dieu, le petit salaud. Tu en as une ? Est-ce que je la connais ?
    — Non, je n’en ai pas.
    — Allez, ne me fais pas le coup du puceau effarouché. Dis-moi qui c’est.
    — Personne. Et vous ne devriez pas boire commeça de si bon matin.
    — Parce que ça te regarde, peut-être ?
    — Peut-être pas. Mais laissez-moi tranquille avec vos histoires, vous aussi.
    Firmin ricana doucement en voyant son fils un peu perturbé. Le four fut rempli. Louis déposa sa pelle et s’essuya les mains. Firmin dit encore :
    — Bravo. Tu n’as pas baisé, mais peut-être que tu devrais.
    Il ricana encore à cause du double sens de sa phrase. Louis demanda :
    — Est-ce qu’Odile aimerait me voir ramener ma fiancée ici ? À moins que je ne parte m’établir à mon compte ?
    Il s’approcha de son père. Firmin demeura un instant interdit.
    — Que dis-tu là ?
    — Pensez-y un peu.
    — Comment ? Aurais-tu des projets, par hasard ? Tu as entrepris des démarches avec la corporation sans m’en parler ?
    Louis fit un vague signe d’assentiment. Il trouvait étrange d’être capable de parler à son père d’une façon presque normale, alors qu’une relative sobriété ne lui avait pas encore interdit toute pensée structurée.
    — Pas encore. Mais j’en ai l’intention.
    — Ah ben, ça alors !
    — Vous comprenez maintenant pourquoi Odile ne m’aime pas. Les femmes des autres boulangers parlent. Elles se doutent de quelque chose. Vous seul êtes assez sot pour ne rien voir. Il n’en tient qu’à vous que nous devenions associés… ou autre chose. Et méfiez-vous de ce qu’Odile vous raconte.
    Firmin n’eût jamais cru qu’une simple taquinerie au sujet des filles allait mener à un tel aveu. Il dit, encore sous le choc :
    — Faudrait quand même que tu les lâches un peu.
    — Allez plutôt dire ça à ce benêt de Bertrand.
    — Alors… tout ce que m’a rapporté Odile à ton sujet… elle a tout faux ?
    — Oui, dit Louis.
    — Complètement ?
    — Je vous l’ai dit.
    — Ne me dis pas que ta bande n’y est pour rien ?
    — Ce que fait la bande ne concerne qu’elle.
    — Tu n’as donc jamais frappé Odile ?
    — Non, mais j’en ai très envie.
    — Quoi ? Non mais, te rends-tu au moins compte de ce que tu racontes ? Il n’y a vraiment plus moyen de te dire un mot, à toi. T’es devenu un vrai petit gibier de potence.
    — N’ayez pas de souci, je ne ferai rien. Comme je ne vous ai rien fait à vous pour ma mère.
    Un goût de sel se répandait dans la bouche de Firmin. Il bredouilla, mal à l’aise :
    — Ne dis pas ça.
    — Pourquoi non ? Sûrement pas parce que vous la regrettez, hein ? Elle n’est plus là, mais moi, j’existe. Et ma présence ne cesse de vous rappeler à tous les deux que

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