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Le jour des barbares

Le jour des barbares

Titel: Le jour des barbares Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alessandro Barbero
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part et d’autre, les soldats
se donnaient du courage en insultant l’ennemi ; si les deux armées étaient
suffisamment proches, les fantassins commençaient à lancer leurs javelots, et
les archers, bien dissimulés dans les derniers rangs, commençaient à tirer. Ces
armes de trait ne faisaient pas beaucoup de victimes, mais avec un peu de
chance elles pouvaient énerver l’ennemi, et de toute façon les javelots et les
flèches se fichaient dans les boucliers, en déclouaient peu à peu les planches,
les alourdissaient jusqu’à les rendre inutilisables ; c’était aussi de
cette façon que l’on commençait une bataille. Ici ou là, un groupe plus agité
perdait patience, faisait quelques pas en avant, mettait l’ennemi au défi de combattre,
« et au milieu des hurlements divers, où se mêlaient toutes les langues »,
écrit Ammien, « on s’éprouvait en des combats encore assez légers ».

5.
    Il est impossible de dire combien de temps les deux armées
restèrent ainsi, à portée de javelot, oscillant tumultueusement d’avant en
arrière, échangeant menaces et vantardises. À la longue, les freins inhibiteurs
tombèrent et, sans que personne n'en ait donné l’ordre, les deux murailles de
boucliers avancèrent et s’entrechoquèrent rageusement.
    Il y avait plusieurs milliers d’hommes de chaque côté, en
grande majorité des fantassins, disposant plus ou moins des mêmes armes, puisque
les Goths avaient eu tout le temps de se procurer des casques et des cottes de
mailles romains. La cavalerie rôdait nerveusement autour des deux masses de guerriers,
prête à poursuivre et à abattre les fuyards, mais sans grande possibilité d’influer
réellement sur l’issue de la bataille, étant donné la densité des piquiers ;
les archers et les frondeurs restaient à distance, guettant les guerriers qui
se seraient mal couverts avec leur bouclier pour les abattre d’un tir bien
ajusté ; mais la bataille, en fin de compte, se réduisait à deux masses d’hommes
surexcités par la tension et par la peur, entassés les uns sur les autres, cherchant
à se réfugier non seulement derrière leur propre bouclier, mais derrière celui
du voisin, par un réflexe conditionné qui, si l’on en croit les auteurs
antiques, était typique de tous les combattants. Ils ne pouvaient espérer s’en
tirer qu’en poussant fortement ceux qui leur faisaient face, ou en essayant de
les blesser par en dessous, ou de les faire tomber et de les écraser avec leur
bouclier. Quiconque cédait à la panique, jetait son bouclier et prenait la
fuite était mort : les cavaliers se lançaient à ses trousses et l’abattaient.
La seule chose à faire était de rester dans la phalange, de pousser sans arrêt,
de concert avec la masse des autres, et d’essayer d’avancer, sans s’inquiéter
de la poussière, des cris, ni de ce sur quoi l’on marchait.
    À un certain moment, l’aile gauche des Romains parut céder :
le mur de boucliers des barbares gagnait du terrain. Mais les généraux romains
avaient prévu cela. Dans les armées antiques, l’aile gauche était toujours
celle qui restait en arrière, parce que les fantassins tenaient leur bouclier
avec le bras gauche, et chacun, en avançant, essayait de s’abriter derrière le
bouclier du voisin, poussant par conséquent vers la droite. C’est pourquoi Richomer,
qui était le plus haut gradé et commandait ce jour-là, avait amassé des
réserves du côté gauche, et l’avancée des barbares fut stoppée.

6.
    Nous ne sommes pas en mesure d’évaluer les pertes de cette
journée, mais elles furent certainement lourdes des deux côtés. Peut-être pas
énormes, car dans les batailles antiques le véritable massacre commençait
lorsqu’une des deux armées était mise en déroute et que les poursuivants
pouvaient tuer sans risque. Tant que le combat se poursuivait sans vainqueur ni
vaincu, comme cela s’était produit aux Saules, les pertes étaient probablement
plus réduites ; néanmoins, entre les morts, les blessés, les contusionnés,
les traumatisés, la puissance de combat des deux adversaires dut être
drastiquement amoindrie.
    C’est pour les Romains que la leçon fut la plus amère. Les
troupes ennemies étaient au moins aussi nombreuses que les leurs, et elles n’avaient
pas peur de se battre, ne se laissaient pas intimider par l’idée de devoir
affronter les légions. Elles avaient combattu aujourd’hui et pourraient encore
combattre

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