Le jour des barbares
seraient
occupés à les éteindre, de faire irruption.
Lorsque les candidati se présentèrent devant les
fossés, tendant les bras et criant qu’ils étaient des Romains, les sentinelles
les firent entrer sans le moindre soupçon ; mais on les conduisit ensuite
dans des bureaux pour les interroger. Les fonctionnaires qui menaient l’interrogatoire
trouvèrent qu’il y avait quelque chose de bizarre dans leur histoire, que les
différents témoignages se contredisaient trop ; alors ils les soumirent à
la torture. Sous le Bas-Empire, les tortionnaires étaient des professionnels, si
bien que les déserteurs finirent par avouer leur trahison et furent tous
décapités.
7.
Dans Andrinople, pendant ce temps, on travaillait
fébrilement à renforcer les défenses, parce qu’on s’attendait à une nouvelle
attaque des Goths pour le lendemain. On calait les portes avec de gros blocs de
pierre, on amoncelait des matériaux de remblai contre les secteurs les plus
faibles du mur d’enceinte, on montait des machines de guerre sur les remparts
et sur les tours ; on préparait aussi des réserves d’eau, car la veille, en
combattant dans une chaleur étouffante, les soldats avaient souffert de la soif
et quelques-uns étaient même morts de déshydratation. Les Goths attaquèrent
pendant la nuit, comptant sur l’effet de surprise ; or non seulement les
soldats, mais aussi les habitants de la ville et même le personnel de la cour
impériale, étaient sur les remparts, prêts à se défendre. Il y avait à Andrinople
un grand arsenal, une fabrique impériale d’armes, dont la main-d’œuvre était
composée d’ouvriers qui connaissaient fort bien les armes, sachant non
seulement les fabriquer, mais aussi les utiliser ; la population civile
était donc en mesure de collaborer efficacement à la défense. Les assaillants, qui
s’entassaient devant les portes et tentaient de les défoncer, voyaient pleuvoir
sur eux des cailloux et des flèches, tandis que les machines de guerre
lançaient tic-grosses pierres. Les Goths, à leur tour, tiraient sans interruption
sur les remparts et s’efforçaient de démolir les murs. On combattit jusqu’à la
fin de la nuit, puis encore durant la journée, mais les attaques étaient de
plus en plus molles, et elles finirent par cesser tout à fait : une fois
de plus, les Goths avaient constaté que, sans machines de siège, il était impossible
de prendre une ville.
Les pertes, dans un siège de ce genre, étaient toujours très
élevées, et les Goths commençaient à se décourager. Aux yeux des Romains, une
des caractéristiques des barbares était précisément de se décourager vite, alors
que les hommes civilisés sont ceux qui se fixent un objectif et le poursuivent
avec obstination, sans se laisser démoraliser par les insuccès. Rentrés dans
leur campement, les Goths soignaient les blessés « avec leurs remèdes de
barbares », écrit Ammien, qui paraît assez sceptique quant à leur
efficacité, même si, en vérité, la médecine romaine n’était guère plus
rassurante. Mais surtout, les guerriers se disputaient, s’accusant mutuellement
d’avoir oublié la leçon de Fritigern. Quelques-uns commençaient à dire que le
siège de la ville était une erreur et qu’ils auraient mieux fait de recommencer
à piller les campagnes, où il y avait encore beaucoup de biens à emporter. Ammien
confirme que les transfuges et les déserteurs décrivaient aux Goths certaines
zones maison par maison, et aussi l’intérieur des villas les plus riches ;
les esclaves fugitifs devaient éprouver un plaisir tout particulier à guider
les barbares dans la maison de leur ex-maître. Les Goths décidèrent donc de
laisser tomber Andrinople, et ils se remirent à dévaster la région.
Chez les Romains, pendant ce temps, personne ne savait avec
certitude ce qu’était devenu Valens. Dès que les barbares eurent levé le siège,
tous les courtisans, les fonctionnaires et les eunuques qui étaient restés
enfermés dans Andrinople quittèrent la ville et, de nuit, en empruntant des
chemins de traverse, se réfugièrent en Illyrique et en Macédoine, soucieux de
mettre en sûreté le trésor impérial. Ils étaient persuadés que, là-bas, ils
retrouveraient leur empereur, à la tête des troupes échappées à la catastrophe.
Il leur fallut encore un peu de temps pour comprendre qu’ils ne le reverraient
jamais plus.
8.
L’incertitude régnait aussi dans la capitale. Les
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