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Le jour des barbares

Le jour des barbares

Titel: Le jour des barbares Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alessandro Barbero
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comportement de sauvages, mais une initiative parfaitement
rationnelle.
    À dix heures du matin (selon notre façon de mesurer le temps),
les barbares étaient sur place, ce qui signifie qu’ils étaient partis tôt et
avaient marché vite. La cité avait barricadé ses portes, mais tous les soldats
et les valets d’armée que Valens avait laissés là le jour précédent étaient
restés à l’extérieur, dans le camp militaire. On ne les avait pas laissés
entrer ; nous avons déjà eu maintes fois l’occasion de voir que les magistrats
d’Andrinople étaient particulièrement méfiants lorsque la sécurité de leur
ville était en jeu. Les soldats s’étaient donc retranchés dans leur campement
au pied des murs, et ils soutinrent l’assaut des ennemis. On se battit pendant
plusieurs heures autour d’Andrinople. À un certain moment, un fort groupe de
soldats romains – trois cents, nous dit Ammien – déserta en bloc et passa à l’ennemi.
Trois cents hommes, cela fait presque un régiment, et il est impressionnant de
voir avec quelle facilité ces désertions de masse pouvaient se produire, dans
une armée où trop d’unités étaient recrutées presque entièrement au sein d’un
même groupe tribal. Cette tentative, toutefois, ne fut pas très heureuse, parce
que les Goths, peut-être réellement excités par l’odeur du sang, après avoir
ouvert leurs rangs pour laisser passer les déserteurs, les massacrèrent tous. Ammien
précise que, depuis ce jour-là, même quand ils se trouvaient dans une situation
désespérée, les soldats romains ne songèrent plus à déserter.

6.
    Le combat autour des murs d’Andrinople se prolongeait, tandis
que le ciel se couvrait peu à peu de nuages et s’assombrissait. Enfin, par
chance pour les Romains, une pluie très violente s’abattit, un orage d’été avec
éclairs et coups de tonnerre, et les Goths, peut-être à cause d’une crainte
superstitieuse, interrompirent l’attaque et coururent s’abriter dans leur
campement de chariots. Mais la journée était encore longue et, tandis que les
guerriers goths se restauraient et soignaient leurs contusions et leurs
blessures, les chefs ne restèrent pas inactifs. Ils envoyèrent d’abord un émissaire
notifier un ultimatum à la cité : si les habitants voulaient avoir la vie
sauve, ils devaient ouvrir les portes et se rendre. L’émissaire, cependant, n’osa
pas pénétrer dans la ville, de peur que les Romains l’exécutent ; le
message qu’il portait fut lu aux commandants romains, mais ils décidèrent à l’unanimité
de ne pas en tenir compte. Alors les Goths recoururent à un autre stratagème et
envoyèrent une nouvelle délégation, composée cette fois d’officiers romains, qui
avaient déserté (eux aussi !) la veille et s’étaient rendus dans le camp
des barbares. Ils devaient se présenter aux portes de la cité et essayer d’entrer,
en déclarant qu’ils avaient été faits prisonniers par l’ennemi mais avaient
réussi à s’échapper du campement et voulaient simplement retourner chez les
leurs.
    Force est de constater que le récit d’Ammien Marcellin
fourmille désormais de déserteurs romains passant du côté goth ; et il ne
s’agit plus cette fois de simples soldats, mais de ceux qu’on appelait les candidati, corps d’officiers d’élite constituant à la fois une sorte de garde
personnelle de l’empereur et un vivier d’officiers d’état-major destinés à
faire carrière. Parmi les candidati aussi, naturellement, il y avait
beaucoup de barbares. Dans un livre de saint Jérôme, la Vie d’Hilarion , on
voit justement un de ces officiers supérieurs, un candidatus, de
nationalité franque, envoyé en mission en Syrie : il a les cheveux roux et
la peau laiteuse, parle le latin et le franc, mais ni le grec ni le syriaque, et
les indigènes ont dû le trouver passablement exotique. Mais le fait qu’à
Andrinople plusieurs candidati aient pu déserter et passer aux barbares
est vraiment incroyable, et nous donne la mesure de la débandade morale de l’armée
au moment de la catastrophe.
    Ces déserteurs de haut rang, donc, devaient se présenter aux
portes d’Andrinople et demander à entrer, feignant d’être des prisonniers
fugitifs ; et leurs nouveaux maîtres leur avaient ordonné, une fois entrés,
d’allumer des incendies dans différents quartiers de la ville, ce qui
permettrait aux assaillants, pendant que la population et les soldats

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