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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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traversait le chemin. Ils se parlèrent longuement, l’un immobile sur sa selle, l’autre à grands gestes pleins de rondeur et d’obséquiosité.
    — Par ma foi qui est malade, commenta Griselda, ce vieux manant prend Jack pour un baron !
    Shirton revint vers eux ; il faisait la grimace.
    — C’est par là-bas, dit-il, un bras tendu. Un manoir fortifié. Nulle crainte d’erreur : sa bannière y ventile.
    —  D’argent à une fasce de gueules… commença Ogier.
    — … entre trois veaux de sable, deux en chef, l’autre dessous… Mais je t’ai coupé la parole et je crains d’anéantir tes espérances.
    Ogier sourit : depuis Sangatte – et peut-être avant –, il s’attendait toujours à plus de mauvais que de bon.
    — Elles étaient déjà bien pâles, bien faibles, mes espérances : Calveley est absent ?
    — Il se peut qu’il le soit… mais nous allons nous en assurer.
     
    *
     
    Délavée par les pluies, salie par les fumées, la bannière aux trois veaux flottait au-dessus d’une cheminée. Ogier d’un coup d’œil embrassa le manoir et le trouva moins grand, mais plus austère qu’il ne l’avait imaginé. Il était défendu par une enceinte carrée, haute d’une toise et demie, sans tour ni crénelage. D’énormes contreforts flanquaient une porte en ogive. Deux vantaux épais d’une largeur de main, présentement mi-clos, protégeaient cette ouverture. Ils étaient renforcés de ferrures en forme d’arc turquois, à double courbure, clouées sur le bois par de grosses bulles d’acier taillées en pyramide. Ces portails massifs, embellis par leurs pentures, exprimaient à eux seuls le tempérament d’Hugh Calveley : un homme qui ne s’embarrassait pas de pourvoir à sa défense puisqu’il était conscient de sa force, de son courage, de sa rigueur. Dans la cour aux pavés bombés aussi gros, sans doute, que les genouillères du maître, trois bâtiments se faisaient face : le logis du seigneur orné de sa bannière et devant, une écurie et une grange, tous d’une simplicité quasi monastique. Attaché par son licol à l’un des anneaux scellés dans le mur de l’écurie, un cheval piaffait, étrillé par deux hommes. C’était un géant noir à la crinière épaisse et dont la queue touffue époussetait le sol.
    « Hugh est là… C’est son cheval !… Il s’apprête à partir. Nous arrivons à temps ! »
    Un des palefreniers, petit, replet, la tête coiffée d’une aumusse de cuir noir, s’empressa au-devant des arrivants et s’adressa d’emblée à Shirton.
    — Que se disent-ils, Griselda ?
    — Il n’y a céans que deux hommes et trois femmes. Ton Calveley s’en est allé chasser.
    Le Noiraud recula de quelques pas, inquiet de la présence du grand cheval ténébreux dont l’œil blafard venait de se porter sur lui.
    — Calveley reviendra. Il ne nous reste plus qu’à l’attendre.
    — Non… Il est loin ! Il chevauche vers Nottingham avec ses hommes…
    Ogier songea : « Nous pourrions peut-être les rejoindre », mais s’abstint d’exprimer sa pensée. Griselda qui le serrait très fort, sa joue appuyée sur son dos, cessa soudain de l’étreindre :
    — Holà ! sais-tu ce que dit Peeping Tom  ? Des sergents de Winslow sont venus jusqu’ici.
    — J’avais confié à messire Arthur et à ses filles que mon salut passait par Calveley.
    — L’autre homme ajoute que, tandis que les sergents le questionnaient, dix autres attendaient… Qu’en penses-tu, Ogier ?
    — Tout Winslow nous recherche, excepté le baron.
    — Il dit que Calveley ira certainement à Ashby pour y jouter : un sommier porte son armure et ses armes…
    — C’est une bonne chance pour moi.
    — Une male chance ! Les hommes de Winslow vont y aller sûrement. Si Calveley n’y est pas, qui pourra te défendre ?
    — Je ne sais… Jack paraît accablé.
    Shirton revenait, tête basse. Il échangea avec Élisabeth un regard qui signifiait : « Eh oui, nous allons poursuivre notre chemin ! » Puis, tourné vers Ogier :
    — Il m’a dit…
    — Je sais. Griselda n’a pas perdu une miette de ce que cet homme te racontait.
    — Que décidez-vous ? demanda la fillette. C’est à toi de parler, Ogier, il me semble.
    — Nous devons partir sans tarder. L’idée que nous sommes ceux que cherchaient les limiers de Winslow va passer dans la tête de ce palefrenier. Tenez ! Il se retourne… Bien sûr, on lui a parlé de deux hommes. Il

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