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Le kabbaliste de Prague

Le kabbaliste de Prague

Titel: Le kabbaliste de Prague Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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Peu avant son sommeil, il avait
déclaré que sa petite-fille n’était rien d’autre qu’un présent magnifique que
lui destinait l’Éternel.
    — Elle n’est pas ma fille, pourtant il semble que Dieu
a placé dans son cœur une réplique de ce qu’il a voulu dans le mien.
    — Un héritage qui ne doit pas être facile à porter et
qui ne paraît pas la conduire aisément vers la sagesse, avait rétorqué son
épouse avec moins d’enthousiasme.
    — Parce que vous ne savez pas trouver la lumière où
elle abonde, avait soupiré le MaHaRaL, les yeux déjà clos. Dans cette enfant,
la sagesse est une semence qui fermente comme un chou dans un pot trop scellé.
Ouvrez le couvercle. Instruisez-la comme vous le feriez d’un fils. Elle n’a
qu’une colère, la plus saine : celle ne pas savoir comment approcher les
richesses de la vie.
    Une recommandation dont je pus mesurer la justesse quelques
semaines plus tard. Isaac m’aborda avec circonspection.
    — Le MaHaRaL veut que tu enseignes les mathématiques à
ma fille…
    Il eut un geste hésitant et ajouta :
    — Ça et tout ce que tu pourras. Si tu le veux.
    Mon cœur bondit en entendant ces mots. Ainsi le Maître ne me
tenait pas rigueur du Meor Enayim d’Azarya ! Sa colère se bornait à
pourfendre l’italien et pas son messager. Je fis néanmoins de mon mieux pour
répondre paisiblement à mon ami :
    — Bien. Je m’en chargerai avec plaisir.
    — Vraiment ? Cela te paraît possible ?
    — Et pourquoi non ?
    — C’est une fille, David.
    — Notre Maître ne l’ignore pas.
    Isaac secoua la tête en soupirant.
    — Parfois, je me demande s’il ne se laisse pas abuser.
Si, pour une fois, il n’a pas la faiblesse d’être seulement un grand-père. Les
mathématiques, l’astronomie… Ma fille ?
    Isaac n’avait pas besoin de m’ouvrir les recoins de son
cœur. Je soupçonnais l’étendue de ses doutes. Était-ce la bonne voie pour
Éva ? Serait-elle digne, le jour venu, d’Isaïe ?
    En décidant de lui donner une éducation de garçon, le
MaHaRaL s’était-il seulement souvenu de l’alliance promise à sa
petite-fille ? De son rôle prochain d’épouse ?
    Jacob n’aimait rien tant que les traditions. Il avait maintes
fois montré sa passion immodérée de l’ordre. Pour lui, les qualités d’une
épouse s’éprouvaient avec d’autres mesures que l’étendue de son savoir et de sa
science. Et il était tout aussi certain que son fils, Isaïe, le jour venu des
fiançailles, penserait à l’identique du père.
    J’apaisai l’inquiétude d’Isaac autant que je le pus :
    — Fais confiance au MaHaRaL. Qui mieux que lui sait
voir venir un destin ? Fais confiance au temps. Il est loin encore le
moment où tu conduiras ta fille sous la houppa.
    Dès le lendemain, un jour de pluie, je me trouvai devant
Éva. Vögele nous ouvrit une petite pièce de la maison, chichement meublée et
aux murs nus. Après une ultime et inquiète recommandation de sagesse à sa
fille, elle nous laissa seuls. Pour la première fois, j’examinai vraiment Éva.
    Ce n’était pas une enfant d’une grande beauté. Sa silhouette
gracile, déliée, portait un visage maigre et un peu long. Sa peau était claire
jusqu’à la transparence. Il était bien difficile de deviner la grâce de la
femme future dans cette face revêche. Pourtant, son énergie irradiait, aussi
impossible à ignorer que ses yeux de mer qui vous jaugeaient avec la froideur
d’un rude commerçant.
    Je tentai de prendre exemple sur le MaHaRaL et n’ouvris pas
la bouche durant un temps qui me parut très long. Nous nous toisâmes autant que
des étrangers. Ou des combattants. Éva finit par hausser les épaules.
    — Grand-père rabbi dit que tu peux m’apprendre
beaucoup. Il faut que ce soit vrai. Autrement, tu perdras ton temps et moi
beaucoup d’occasions d’obéir, ce qui déplaira à mon père et à grand-père rabbi.
    Elle esquissa une grimace et ajouta dans un léger
soupir :
    — Et comme c’est toi qui sais ce que je ne sais pas,
c’est à toi de parler.
     
    Douze mois durant, elle ne perdit pas son goût d’apprendre,
ni moi mon bonheur de lui faire ce plaisir. Ce qui devint par la suite notre
indestructible amitié commença dans cette courte année.
    Je lui ouvris doucement le chemin des mathématiques et
découvris la joie et le réconfort d’offrir à une intelligence gourmande la
nourriture dont elle saura se repaître. Nous travaillions deux

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