Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le kabbaliste de Prague

Le kabbaliste de Prague

Titel: Le kabbaliste de Prague Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
Vom Netzwerk:
mieux y réfléchir. User un peu de
cette sagesse que nous enseignait le MaHaRaL, m’ouvrir de mes doutes à Isaac au
moins. Avoir le courage de mes sentiments autant que de ma raison.
    Mais c’était là un des traits de mon caractère qui ne me
faisait pas briller et ne réclame, même avec le recul des siècles, aucune
indulgence. Il était des épreuves que je savais contourner avec une agilité
experte.
    Cependant, Dieu connaît nos faiblesses. Il sait, tôt ou
tard, nous contraindre à ouvrir les yeux.
    Trois semaines après mon retour, comme un peu ivre d’avoir
tant raconté les merveilles de ma quête, je sentis refluer ce plaisir. Le
chambellan de l’Empereur m’avait rendu une nouvelle visite. J’appris que
Rodolphe avait l’intention de faire la plus majestueuse des offres à
Tycho : qu’il vienne installer son Palais des Étoiles à Prague, dans un
lieu à sa convenance, propre à sa science. Une entreprise aux frais de l’empire
et Tycho recevant le titre richement doté de Mathematicus officiel. Afin
de mieux cerner ce projet et les nécessités qu’il imposait, l’empereur Rodolphe
toutefois désirait lire un compte rendu de ma main, et en latin, des travaux
accomplis à Venusia, ainsi qu’une description des machines et de l’architecture
du Palais des Etoiles.
    Une longue écriture à laquelle j’avais pris plaisir et que
je venais d’achever. Je m’étais flatté, en y travaillant, que cela puisse
devenir, si l’Empereur l’acceptait, un livre véritable. Rodolphe le refusa
toujours, au prétexte qu’il contenait des secrets qu’il devait garder pour lui,
si bien que mon premier ouvrage, qui trouva le jour une année plus tard dans
une imprimerie de Prague, fut bien différent.
    Toutefois, en achevant cette tâche, j’avais senti que se
refermait avec elle le chapitre de ces années. Il était temps de reprendre une
vie ordinaire et de progresser auprès du MaHaRaL, qui avait poussé sa pensée et
son savoir plus loin que je n’étais capable désormais de le suivre.
    Songeant à tout cela, un joli soir de la fin du mois de
Tammouz où la nuit venait très tard, j’allai me promener au bord de la Vltava.
L’air encore brûlant du jour vibrait des cris d’oiseaux et du coassement
inépuisable des grenouilles. Je marchai longtemps, suivant les courbes du
fleuve. Puis, alors que le soleil avait déjà disparu derrière les collines de
la rive opposée, je revins sur mes pas. Tout absorbé par mes pensées et me
laissant glisser avec douceur dans l’obscurité plus grande, je m’arrêtai au
hasard. Je trouvai une souche pour m’asseoir. Maintenant la fraîcheur du fleuve
courait sur la rive avec la brise. Elle semblait pousser l’ombre devant elle
comme une caresse gorgée d’odeurs. Je demeurai là à écouter les bruits de la
vie nocturne qui s’éveillaient, l’esprit enfin vacant et éprouvant cette paix
si particulière de n’être rien d’autre qu’une présence parmi le fourmillement
du monde.
    Je dus demeurer ainsi quelque temps, car la nuit était
pleine lorsqu’une voix me fit sursauter.
    — David…
    Je fus debout d’un bond. Sa silhouette dessinait une
obscurité plus dense et plus pure dans la pénombre.
    — Éva !
    — Je savais te trouver là.
    Elle parlait bas. Les grenouilles, qui s’étaient tues
quelques secondes, reprirent leur vacarme protecteur. Je me rappelle avoir
songé que leurs coassements possédaient la fermeté d’une porte qui se refermait
sur Éva, un peu comme si elle m’avait rejoint dans une pièce discrète.
    Avant que je prononce une parole, elle trouva ma main et me
fit rasseoir sur ma souche. Il y avait tout juste assez d’espace pour qu’elle
prît place à côté de moi. Les tissus légers de sa robe roulèrent sur mes
cuisses, je sentis son buste contre le mien, son parfum, le ballant de sa
respiration et la légère moiteur de sa paume contre la mienne. Je sus me taire.
    Nous demeurâmes silencieux. Il semblait que, par-delà le
murmure régulier du fleuve et le chant des grenouilles, nous pouvions percevoir
dans notre silence la profondeur d’un accord qui n’eût pu s’atteindre par des
mots.
    Puis, avec douceur mais netteté, Éva dit :
    — Tu m’as évitée depuis des jours, David.
    Je ne répondis pas.
    Elle laissa encore passer un temps et ajouta :
    — Sais-tu que nous sommes à l’endroit exact où tu m’as
poussée dans la barque quand nous avons fui la peste ?
    Je l’ignorais. Je souris

Weitere Kostenlose Bücher