Le lacrima Christi
renforcée par des bandes d'acier et possédait deux serrures.
— Le coffre ne peut être ouvert, précisa le prieur, que par moi et l'un de mes frères : chaque serrure est différente.
— Donc on exposait le rubis après matines, répéta Kathryn en effleurant le coffre, et on le remettait là juste avant complies ?
Barnabas acquiesça.
— Mais hier soir ?
— Le Lacrima Christi était ici, couina frère Ralph avant de s'éclaircir la gorge. Ici ; je l'ai vu. Je suis revenu sur mon prie-Dieu. Le prieur Barnabas se trouvait avec moi. J'ai prié quelque temps puis me suis
derechef relevé pour regarder le joyau. Il brillait dans le noir comme un feu mystérieux. Il était rouge rubis.
Il sourit.
— Oh, bien sûr ! Mais à l'intérieur il était d'un rouge plus foncé ; c'était comme s'il y avait deux pierres en une.
— Pourquoi Sir Walter Maltravers vous l'avait-il confié ?
Le prieur écarta les bras.
— C'est un bienfaiteur des églises de la ville. Je crois que la pierre vient de Constantinople. Sir Walter n'a jamais expliqué comment elle était entrée en sa possession. Quoi qu'il en soit, le printemps dernier, il a assisté céans à la messe du Jeudi saint. Je lui ai fait remarquer que nous n'avions point de relique. À ce moment-là, j'avais déjà entendu parler du Lacrima Christi. Sir Walter a accepté avec courtoisie que, pendant la saison des pèlerinages, le rubis sacré soit exposé à Greyfriars au bénéfice des fidèles.
— L'avez-vous informé de sa perte ?
— J'ai moi-même dépêché un messager mais on ne peut déranger Sir Walter le vendredi.
Barnabas cilla.
— Demain, je crains de devoir affronter son ire. Pourtant ce n'est pas notre faute.
Kathryn se releva et revint vers la chaîne d'argent.
— Comment saviez-vous que Sir Walter possédait ce bijou ? Il ne l'a point fait savoir par toute la ville, n'est- ce pas ?
— C'est moi qui l'ai découvert, répondit avec fierté frère Ralph. Juste après l'Épiphanie. Maltravers était tombé malade et avait réclamé certaines poudres. J'ai passé trois jours à Ingoldby Hall. Il avait de méchantes douleurs à l'estomac. Quoi qu'il en soit, il m'a fait visiter le château. Il y a une petite chapelle dédiée à la Vierge. Il a ouvert ses coffres et j'ai aperçu le Lacrima Christi. Je n'avais jamais rien vu de plus beau. Sir Walter s'est montré fort satisfait de mes soins. Je lui ai administré une erbolée d'airelles et lui ai expliqué qu'il était sain de manger des fruits à chaque repas.
Kathryn sourit : l'infirmier était, semblait-il, bon médecin et apothicaire.
— Il vous a donc prêté le Lacrima Christi par pure amitié ?
— En quelque sorte, intervint le prieur. Il nous a dit que nous pouvions en disposer de la Sainte-Marie-Madeleine jusqu'à la Saint-Michel. Nous devions le lui rendre à ce moment-là.
— Et à présent qu'il a disparu, s'enquit Colum, votre ordre versera-t-il une compensation ?
-— Comment le pourrions-nous ? rétorqua le prieur.
Il s'assit sur les marches de l'autel et regarda ses visiteurs.
— Nous l'avons mis en lieu sûr. Nous avons monté la garde. Et puis il y a la légende...
— Quelle légende ? aboya Luberon en se plantant devant Barnabas. De quelle légende s'agit-il ?
Kathryn se pencha et tapota l'épaule du clerc en lui faisant signe de la tête de reculer. Luberon eut un sourire forcé et s'exécuta. Il ne pouvait souffrir ces moines. Il était porteur du mandat de l'archevêque et trouvait mauvais de devoir claquer des talons devant cet austère prieur.
Ce dernier croisa les doigts.
— On raconte que lorsque Notre-Seigneur fut attaché au poteau et flagellé, il pleura amèrement. Sa sueur et ses larmes ensanglantées tombèrent au sol ; elles étaient si sacrées qu'elles se transformèrent en pierres précieuses recueillies plus tard par un ange.
Barnabas ne tint pas compte de l'éclat de rire méprisant du clerc.
— Selon la légende, chaque larme sera reprise par les propres messagers de Dieu.
— Et vous croyez que c'est ce qui s'est passé ici ? ne put s'empêcher de railler Luberon. Voulez-vous dire que saint Michel est descendu pour l'emporter au Paradis ?
— Quelle autre explication proposez-vous ? riposta Barnabas. Maître clerc, regardez dans ce sanctuaire, examinez le sol, le toit et la fenêtre. Il n'y a point d'entrée secrète. Faites-nous prêter serment, à moi et à frère Ralph.
Il fit un geste vers la porte.
— Personne ne l'a
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