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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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vibrer ainsi.
    Louis Dieudonné aimait cette humeur chez son père. Cela avait un go˚t de bataille, de sang, de violence, de rapace fondant sur sa proie pour apporter des morceaux de charogne à sa nichée. Le Roi montrait les dents parfois, le Dauphin en fit autant.
    - N'ayez jamais d'amis, de favoris, et aucun amour !
    Louis Dieudonné regarda vers Marie. Le Roi suivit son regard et rougit.
    Tout n'est que trahison, mon fils, et nous contraint à la cruauté. Elle est l'ultime raison des Rois, comme la guerre. Une guerre sans gloire, certes, que cette guerre individuelle et personnelle, mais si efficace ! Et parfois... le plaisir...
    La voix bégaya.
    - Je serai cruel, mon Papa.
    L'été passait. On se promenait dans les jardins, canotait sur les lacs et Louis Dieudonné se sentit une ‚me d'amiral ou de général des galères, on dansait le branle chez la Reine, le Roi s'esquivait et chassait. Louis Dieudonné vit son premier sanglier ensanglanté
    et écorché par les valets de chasse, son premier cerf éventré aux entrailles livrées à la meute. Frisson devant tout ce sang, que Lansac se complaisait à lui montrer, dont Marie tentait de le détourner. L'odeur forte des fauves aux chairs mises à vif enivrait le Dauphin. Un peu trop, jugeait la belle Marie, douce et acérée.
    Et les nouvelles vinrent avec l'anniversaire du Dauphin. Les nouvelles de Son Eminence, dont on remarqua tout à coup qu'on ne regrettait pas l'absence et même qu'on oubliait. Non, Son Eminence n'était pas morte, Son Eminence punissait encore. Il condui-sait lentement, au pas de sa litière, MM. de Cinq-Mars et de Thou vers le ch‚teau de Pierre-Encize près Lyon, escortés par six cents cavaliers. En une semaine le procès fut b‚clé, bouclé, la condamnation à mort prononcée. quelques juges ren‚clèrent pourtant...
    Ils furent destitués.
    Guitaut reparut à la Cour, poussiéreux, vieilli de dix ans, s'évada à Milly trois jours durant. La Reine dut envoyer d'Artagnan l'en tirer avec une douce gronderie.
    Les deux Gascons ne se dirent rien en route. Le mousquetaire songea que l'affaire avait d˚ être terrible, pis que terrible, sale.
    Arrivé à Rambouillet, Guitaut n'eut que ce mot :
    - Merci.
    D'Artagnan le salua.
    Guitaut chez la Reine ne subit aucune autre remontrance. Il conta à ces dames ce qu'elles voulaient savoir.
    Monsieur le Grand était vêtu d'un habit couleur ponceau, cousu de dentelles d'or et couvert d'un manteau doublé d'écarlate. Il saluait la foule sur le chemin qui le menait là o˘ on savait. Il ne broncha pas à l'énoncé du jugement ni à la vision de l'échafaud sur la place des Terreaux. De Thou, lui, de gris vêtu avec des parements bleu, ne dit que :
    - Allons à la mort, allons donc au Ciel.
    Ils firent leurs dévotions, s'embrassèrent d'amitié forte, et certains gardes pleurèrent. Guitaut lui-même avait boule en gorge.
    On les mena à l'échafaud en carrosse, ce qui suscita quelque plaisanterie de De Thou sur la magnanimité de Son Eminence, qui fit rire Cinq-Mars. C'est donc réjoui qu'il reçut la bénédiction d'un père jésuite. Le Père Malvalette en pleura. Cinq-Mars le réconforta.
    - Vous avez besoin de toute votre résolution pour fortifier la nôtre.
    Puis il embrassa encore son cher de Thou.
    - A bientôt, Henri, dans quelques minutes nous seront réunis pour l'éternité. Et près de Dieu.
    - A bientôt, donc, noble Auguste. quel plaisir de te voir ayant quitté toute inquiétude.
    Auguste de Thou sourit à son ami.
    - En effet, on m'en a guéri !
    Un coup suffit. La belle tête de Cinq-Mars tomba puis fut montrée.
    Auguste de Thou embrassa le bourreau, l'appelant son frère, refusa lui aussi d'avoir les yeux bandés, enserra de ses bras le billot comme une bien-aimée, et mourut le regard fixé sur un crucifix.
    - Dieu reçoive l'‚me de ces deux jeunes gens, dit Anne en se signant.
    Louis Dieudonné fit aussi le signe de croix. Presque machinalement et par imitation.
    Pendant que Guitaut contait ceci, Louis Dieudonné connut enfin la vibration en son corps. Cette vibration ressentie chez celui décharné du Roi quand il l'avait serré contre lui à son retour.
    Il chercha son père, il voulait savoir ce que l'on ressentait après... Il le trouva aux cuisines. Le Roi cuisait des confitures mais il sembla à l'enfant que le Roi pleurait en même temps dans la chaude odeur de son fruit préféré, l'abricot, qui ressemble au conin des filles lui avait-on dit en riant, rire

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