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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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simplement. Jaufré comprit que ce bref n’avait rien d’officiel, bien au contraire, et son cœur se gonfla.
    – Tu avais raison, jeune fou ! se mit-il à rire soudain en brossant, ainsi qu’il en avait pris l’habitude, la tignasse de son élève.
    Peyronnet afficha un sourire benêt et, d’une toute petite voix, s’enquit :
    – Est-ce à dire, messire, que vous allez vous pâmer sous ses fenêtres ?
    – Mieux, mon ami, bien mieux !
    Et, chiffonnant dans sa main la croix de satin rouge qui était jointe au message, il la lui lança au visage en riant. Peyronnet regarda l’étoffe, puis le comte de Lusignan qui hochait une figure satisfaite, puis Jaufré dont les prunelles brillaient comme des étoiles. Comprenant qu’il était désormais des leurs, il lança un « Noël ! Noël ! » de bonheur, se mettant à bondir, à faire la roue, bousculant tabourets et verrerie sur son passage.
    Au petit matin, tous trois erraient ivres morts, chantant à tue-tête au bord de la falaise, Uc fouillant de l’épée les buissons, Peyronnet se battant au bâton contre un ennemi invisible, Jaufré faisant tournoyer sa mandore au-dessus de sa tête comme une massue.
    Sous le regard des Dames Blanches incrédules, les trois compères s’endormirent en tas, les yeux vaporeux tournés vers le levant.
     
    Le faucon fondit sur sa proie dans un buisson touffu, à l’autre bout du champ piqueté de frênes et de hêtres. Henri le jeune le suivit des yeux, une main en visière au-dessus des sourcils qu’il portait épais et roux. Puis, avisant que l’oiseau fouettait l’air, alourdi par sa capture, il talonna sa monture et partit au-devant de l’animal. Quelques secondes plus tard, le faucon tournoyait au-dessus du jeune homme et lâchait sa proie, un superbe lièvre, avant de se poser sur le poing ganté de cuir.
    À cet instant, dans un soulèvement de poussière d’orge, la silhouette à cheval du comte d’Anjou parut. Il rejoignit d’un pas tranquille son fils, lequel avait mis pied à terre pour achever l’animal.
    – Belle bête ! commenta Geoffroi le Bel.
    – Il fait au moins dix livres !
    – À n’en pas douter !
    – Voyez combien j’ai été sage de marchander ce faucon, s’enorgueillit le jeune Henri. Vous le disiez trop malhabile !
    – J’avais tort. Vous l’avez adroitement dressé, mon fils. Je suis fier de vous.
    Henri redressa le menton avec arrogance. Il aimait que son père soit satisfait. À treize ans, il était aussi vigoureux que le comte, portait barbe et chevelure épaisses et bouclées, qui rappelaient un guerrier viking. Et il arborait surtout un caractère qui forçait au respect à défaut d’amour. Henri était coléreux, arrogant, autoritaire et borné, ce qui faisait beaucoup pour un seul homme. Souvent en butte à l’autorité de son père, qu’il estimait pourtant à sa juste valeur, il portait une adoration sans faille à sa mère, dame Mathilde. Il savait surtout qu’avant longtemps, comme elle y bataillait, il régnerait sur l’Angleterre et la Normandie, et plierait le roi de France à sa volonté. Henri entendait bien reprendre ce qu’on lui avait dérobé. Cette démonstration de dressage n’était qu’un prétexte pour montrer à son père qu’il était temps de le laisser prendre part aux affaires. Il avait réussi à convaincre Geoffroi d’assister à la première chasse de l’animal, et tous deux, au lever du jour, s’étaient avancés dans leurs terres.
    Jetant le lièvre dans une besace de cuir qu’il attacha lestement à sa monture, Henri lança sans détour :
    – Hier, je vous faisais mordre la poussière au combat d’épée à deux mains, aujourd’hui vous découvrez combien je sais être avisé. L’heure est venue, père, de cesser de me considérer comme un enfant.
    Sur ce, il empoigna la bride de son cheval et l’enfourcha hardiment. Là, il planta son regard dans celui amusé du comte. Geoffroi le Bel s’attendait à cette diatribe et s’y était préparé. Bien que son fils soit entêté, il n’était pas encore aussi malin que lui. Il répondit donc, les deux mains appuyées sur le pommeau de sa selle richement ornée d’or :
    – Je crois, en effet, que vous êtes à même d’épauler ma sagesse.
    Henri sentit son cœur se gonfler. Il s’attendait à davantage de difficultés. Sûr de son fait, il lança dans le vent de mai :
    – Alors c’est dit ! Je vous accompagne en Terre sainte !
    Aussitôt, il

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