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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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qu’Aliénor et ses dames soient hors d’atteinte.
    – Et si les Turcs ne respectent pas leurs engagements auprès du basileus ? Ils sont, dit-on, plus cruels et perfides que des bêtes sauvages, m’inquiétai-je.
    Geoffroi poussa un gros soupir.
    – Soyez prudente. Louis ne doit pas revenir vivant. Il n’est pas certain que je prenne finalement part à cette croisade, mais vous pourrez compter sur le soutien de Geoffroi de Rançon que vous savez dévoué à la reine. Ils sont quelques-uns comme lui à n’apprécier guère notre bon roi et ses Templiers en Aquitaine. Il va vous falloir du courage. Mais je ne crains pas pour vous.
    – Pour Henri, murmurai-je crânement.
    – Pour Henri, répéta-t-il.
    Je le quittai sur ses mots qu’il ponctua d’un baiser sur mon front. J’étais troublée. Au cours de notre conversation m’était venue la sensation d’un danger proche, et je n’aimais pas cela. Il y avait longtemps que cela n’avait pas été aussi fort, malgré ce voile de deuil qui ne me quittait pas depuis quelques semaines. Je résolus de ne point céder à la peur. Elle était probablement absurde. J’aimais bien Louis au fond, et l’idée de le vendre froidement à la cruauté sanguinaire de ces sauvages me peinait. Ce devait être cela qui perturbait mes sens, oui, je m’étais habituée à sa face de carême, à sa voix de fille, à ses colères et à ses mains. « Tu te laisses attendrir, Loanna de Grimaldi ! » me répétais-je en rabaissant davantage le capuchon de mon manteau sur les yeux.
    Au sortir de l’église, il faisait nuit noire. Une de ces nuits sans lune que mère n’aimait pas. Malgré moi, un frisson me parcourut l’échine. Mieux valait ne pas traînasser dans la vieille Cité. Des bruits divers me parvenaient, de pas étouffés, de chuchotements, de rires de filles.
    « Allons ! Tu n’es plus une fillette ! Si l’idée de perdre le roi te perturbe ainsi, mieux vaut renoncer sur-le-champ à ce pour quoi tu es venue au monde, Loanna de Grimwald ! » pensai-je avec force. La nuit n’avait jamais été une ennemie, que diable ! Bien au contraire !
    Décidée, je m’engageai sous la voûte de pierre et m’avançai jusqu’à ce que son obscurité me recouvre, le regard droit vers la lumière des lampes extérieures qui m’attendaient avec Granoë. Je ne vis pas les ombres s’animer, pas davantage que je n’eus le temps de tirer ma lame. Je perçus seulement la douleur entre mes omoplates. Dans un cri sourd, je tombai à genoux sur le sol, un goût de sang dans la bouche, une brume devant les yeux.
    – Finissons-en ! dit une voix qui me parut familière.
    Malgré la certitude que j’allais mourir, je ne parvenais pas à bouger, à peine à respirer, pliée en deux sur mes genoux, le front bourdonnant qui s’abîmait sur le sol humide. Je devinai le mouvement de la lame au-dessus de moi prête à s’abattre. Mais, à sa place, il y eut un mouvement de panique parmi mes assaillants.
    – Par tous les saints du paradis ! bégaya une voix effrayée.
    Elle me força à redresser le buste et à ouvrir les yeux. Une lumière surnaturelle et aveuglante emplissait le porche. Deux prunelles immenses sans corps autour flottaient au milieu d’elle. C’était cette apparition qui avait déclenché leur peur. J’en compris l’origine :
    – Merlin, murmurai-je désespérément en tendant vers elle une main tremblante.
    – Filons ! cria une autre voix.
    – Attends !
    La lumière disparut d’un coup, avec le choc sur ma nuque. Je m’enfonçai dans une nuit glaciale dans laquelle je n’entendis plus rien.
     
    Je ne sais combien de temps je restai inconsciente, perdant mon sang, mais c’est une chaleur douce sur mon front qui me rappela que j’étais là, couchée à même la terre, dissimulée aux regards par l’ombre du porche. J’ouvris les yeux et je la vis. Elle baignait dans une brume irisée, de celles qui pénètrent les sous-bois à l’aube.
    – Mère, murmurai-je en reconnaissant son visage diaphane. Suis-je morte ? demandai-je difficilement, m’étouffant aussitôt dans une quinte de toux qui me laissa un goût de sang dans la bouche.
    Elle secoua la tête, un léger sourire de tendresse sur son visage.
    – Ne parle pas, Canillette. Ton heure n’est pas venue, c’est pourquoi je suis là. Tu as en toi la force. Trouve-la. Entends, me dit-elle encore.
    Granoë hennit au même instant. Elle était toute proche. Je hochai la

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